
Après le très joli film de Pablo Agüero, intitulé sobrement Saint-Ex, autant consacré d’ailleurs à l’aviateur qu’à son mentor et meilleur ami Henri Guillaumet (1902-1940), voici Pierre Devaux qui a adapté le roman Terre des Hommes, un récit qui rend hommage aux deux hommes et au mécanicien, André Prévot (1907-1947) et qui raconte le premier vol d’Antoine de Saint-Exupéry, le 29 janvier 1926 à destination de Dakar.
A son entrée dans la salle du Théâtre de La Flèche, installé dans une cour parisienne paisible de la rue de Charonne, le public (pour la plupart en dessous de la quarantaine) est surpris par un planisphère posé au sol dans un halo de ciel bleu (conçu par le metteur en scène qui signe aussi les lumières) d’où se détachent, au lointain, un blouson et la veste d’un uniforme.
Arrive Pierre Devaux (qui est encore le Chevalier d’Ancenis dans les excellentes Liaisons dangereusesà la Comédie des Champs-Elysées). Très vite il nous embarque dans le cockpit de son Latécoère dont il partage les sensations avant le décollage.
On a compris que l’homme est considéré avant tout comme un rêveur : Vous partirez demain et vous êtes prié de fournir des rapports, pas des poèmes !
On ne viendra pas pour apprendre des faits nouveaux. On connait l’histoire. On sait que c’est Guillaumet qui avait initié Saint-Ex au survol de l’Espagne. Après avoir survolé ce pays et profité de la beauté de ses paysages Saint-Ex raconte le combat contre les orages pendant la nuit, avant de s’écraser dans le Sahara. Comment alors survivre, lutter contre le soleil, la faim, les mirages et la folie… ?
On connait la bravoure de ces héros, tous morts jeunes, entre 40 et 44 ans. Beaucoup de leurs affirmations ont valeur de proverbes et témoignent de leur disposition pour la pensée positive : Dis-toi que ce quelqu’un d’autre a fait tu peux le faire / Un pas, encore un pas, c’est toujours le même pas qu’on recommence.
Jusqu’à la fameuse tirade : Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait.
On a la confirmation de la bonté de Guillaumet qui répandait la confiance comme d’autres la lumière. Pierre Devaux a conservé les citations les plus célèbres et fondatrices du mythe, et les apparitions quasi surnaturelles des deux jeunes filles, d’une mangouste, de vipères et … d’un renard.
Entre conversation et confidences, évocation et retour d’expérience, le comédien est tour à tour chacun des cinq personnages qui se caractérise par une voix, un phrasé et un accent particulier. Il nous fait revivre cette époque héroïque dominée par un dévouement jusqueboutiste pour acheminer le courrier qui force l’admiration, quitte à devoir se contenter d’une orange en guise de dîner après avoir contré les exigences bureaucratiques.
La mise en scène de Thierry Harcourt est sobre et efficace. La direction d’acteur est parfaite. Une grande sensibilité se dégage de son jeu et nous cueille complètement, ce qui n’exclue pas quelques notes d’humour.
C’est comme toujours Tazio Caputo qui collabore avec le metteur en scène pour concevoir la musique que l’on croit déjà connaître alors qu’elle a été conçue spécialement, faisant de Terre des Hommes un spectacle très abouti.
Si vous ne pouvez pas le voir au printemps à Paris vous pourrez vous rattraper cet été durant le Festival d’Avignon : il est programmé au Théâtre des 3 Soleils.
Terre des Hommes d’après Antoine de Saint-Exupéry @Editions Gallimard
Adapté et interprété par Pierre Devaux
Mis en scène et en lumières par Thierry Harcourt
Son et musique de Tazio Caputo
Au Théâtre de La flèche - 77 rue de Charonne – 75011 Paris
Le jeudi à 19 heures du 9 janvier au 13 mars 2025