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La cuisine au chalumeau

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Cela fait envie autant que cela effraie. C’est finalement assez simple pourvu que l’on prenne quelques précautions.

D’abord se munir toujours d’un gant épais pour ne pas se brûler et surtout disposer d’une plaque métallique pour éviter tout simplement d’enflammer le plan de travail.

C’est assez facile d’obtenir très vite une crème brûlée parfaite, c’est-à-dire avec une crème bien froide et un sucre chaud, solidifié, que l’on cassera à la petite cuillère en pensant à Amélie Poulain.

On ne se complique pas la vie : on aura acheté un appareil dans un magasin de bricolage avec une cartouche de gaz sans chercher du matériel "culinaire". Le résultat sera à la hauteur des espérances.

Et voyez la différence en photos. A gauche caramélisée, à droite "nature".
Il faut approcher la flamme assez près et la laisser lécher le sucre jusqu’à ce que se forment de jolies boursouflures.
Si vous avez plusieurs ramequins à caraméliser il vaut mieux passer de l’un à l’autre afin d’avoir un résultat homogène plutôt que de les faire l’un après l’autre.
Il ne faut pas hésiter non plus à secouer l’appareil pour que le gaz prenne toute la place.
Ce n’est pas plus compliqué de griller des filets de poissons de la même façon. Après plusieurs essais je me suis arrêtée sur le maquereau qui n’a pas trop d’arêtes, du goût, et que l’on trouve à un prix très raisonnable (en général moins de 6 € le kilo).
Je le fais mariner 24 heures auparavant dans une huile parfumée aux épices de mon choix. Cela peut être des graines de coriandre aussi bien qu’un curry Saravane. Encore une astuce pour bien imprégner la chair : j’utilise un sac congélation qui limite le contact avec l’air.
Je préfère une huile d'olive goût subtil comme l'AOP de Nice qui a un arôme d'amande assez léger.
Juste avant le repas je grille les filets au chalumeau en approchant la flamme suffisamment pour que la peau boursoufle. On peut voir le poisson carrément se gondoler.
Là encore on passe d’un filet à l’autre sans attendre d’avoir le résultat souhaité de manière à ce qu’ils soient tous chauds au moment de servir.
On dispose sur des assiettes chauffées (l’idéal serait de travailler sous une salamandre).
On peut préparer une sorte de sauce vierge : des légumes et des fruits coupés en dés minuscules avec huile, vinaigre ou jus de citron, gingembre râpé, et assaisonnement à son goût, en ajoutant une pointe de sucre de palme pour adoucir.
Enfin on servira avec un riz blanc moulé dans un emporte-pièce ou des légumes sautés au wok.
A moins d’imiter le chef du Will, William Pradeleix, qui fait griller des aubergines zébrées au four et qui les pose contre le filet de poisson après les avoir tranchées en deux.
On ne jette pas la marinade qui pourra assaisonner quelques feuilles d'épinards frais.

Cuire au chalumeau est rapide et facile. C'est une bonne alternative au barbecue, en bien plus économique. On peut même griller des filets de poulet. J'ai eu l'occasion de m'y risquer avec succès au Salon du blog culinaire de Soissons avec le poulet St Sever.

J'avais coupé en morceaux un filet que j'ai fait mariner une petite trentaine de minutes dans du jus de citron et de l'huile d'olive goût intense, AOP des vallées des Baux-de-Provence, sel citronné, ail en tranches ultra fines.
J'ai placé les morceaux dans une feuille de papier alu pour cuire sans carboniser.
Au bout de quelques minutes j'ai ouvert la papillote pour achever la cuisson.
J'ai servi avec un riz enrichi de petits morceaux de kiwi, de pamplemousse rose et de kaki persimon. Les morceaux de poulet ont été enfilés sur des mini brochettes et saupoudrés de Citrus Pepper de Saravane.
Et je sens que les expériences ne sont pas terminées.

Café Bouillu ... la bonne adresse pour déjeuner Rive Gauche

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Vous allez dire que je parle beaucoup de restaurants en ce moment. C'est vrai. Je dois avoir l'esprit à la fête pour me démarquer de ceux qui vont ripailler juste en fin d'année. Disons que je prends de l'avance.

Café Bouillu est tout de même une exception. J'ai vraiment adoré l'endroit, très bien situé tout près de l'Odéon. Le décor allie modernité et classicisme. J'adore.

La cuisine de Fabrice Rialland est divine. Il parle avec tellement de conviction de son métier que si je devais lui attribuer une note ce serait un 18 sur 20. Je ne mettrais pas illico le maximum, histoire de garder un peu de marge pour monter la prochaine fois.

En plus c'est un excellent rapport qualité/prix pour les petites bourses qui veulent tout de même se régaler. A condition d'y aller pour déjeuner (le conseil est valable pour bien des endroits).

Alors pourquoi ai-je tardé à vous en parler ? Parce que, pour la première fois, le texte de mon ébauche de compte-rendu écrit directement sur la plate-forme de Blogger a disparu et que j'avais du mal à retrouver intact le fil de mes pensées. Forcément, ces lignes vont être plus fades que celles que j'avais crachées le 31 octobre mais je pense que les photos à elles seules sauront vous convaincre que c'est une des très bonnes adresses du moment.

Rien qu'à les regarder les souvenirs me reviennent.
On commence par l'extérieur et le décor. Le restaurant est au 9 de la rue de l'Ecole de Médecine. Le lieu est célèbre d'un point de vue politique. C'est dans les caves voûtées du sous-sol, qui était alors le réfectoire du Couvent des Cordeliers, que Robespierre a signé la devise qui allait devenir celle de la France Républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité.
On imagine ici un tête-à-tête discret ou carrément une tablée d'une vingtaine d’amis ou de collègues. Un piano viendra bientôt agrémenter de ses vibrations l’atmosphère de ce coin privilégié.

Une véritable cave à vins située au fond de cet espace magique assure une conservation à la température idéale.
Cela surprendra quand vous donnerez rendez-vous à cette adresse. Cela compense avec l'extérieur qui ne paye pas de mine même s'il fait très classe. Le principal inconvénient est qu'on ne voit rien de ce qui se passe à l'intérieur. Fondamental pour un restaurant. On le sait : une salle vide n'attire personne.
On pousse la porte ? Pas celle de gauche, entoilée façon Jouy, ni celle de droite, franchement décalée, celle du milieu, prémice qu'au Café Bouillu on pratique le décalage en restant dans la ligne droite, celle de la juste mesure.
L'entrée est mise en scène et fait déjà son petit (grand) effet. Vous allez avoir le choix entre la table immense, façon table d'hôtes du rez-de-chaussée, en marbre mange-debout, le long d’un des immenses portraits de femmes aux chevelures hautes en couleurs du peintre Yann Houri, avec vue sur une cuisine non pas ouverte, mais transparente, la voute historique et intimiste du sous-sol, ou l'espace bistrot chic du premier étage qui lui aussi est un puzzle de plusieurs ambiances. Le second étage est investi par le chef qui y a installé sa cuisine dotée d’un piano de 12 feux et surtout son laboratoire, pour y mener des essais qui se traduiront par un renouvellement de la carte.

Le meilleur endroit, de mon point de vue, est le premier étage parce qu'il offre côté jardin une vue sur le couvent des Cordeliers.
La vue y est dégagée et on bénéficie de la lumière naturelle à l'heure du déjeuner. Là encore il y a de quoi hésiter entre une banquette, une table ronde ou un madrier de chêne massif. Ma préférence va à cette table qui porte le numéro 300.
Passionné d’architecture, Benoist a dessiné une partie du mobilier inspiré des styles Empire, Directoire et Napoléon III revisités qu'il a confié au décorateur Julien Allard. Il n’a pas lésiné sur la qualité des matières utilisées comme les cuirs caramel Porsche des banquettes, les canapés façon Chesterfield dans la tonalité orange des cuirs Hermès, les tables couleur chocolat ou encore un lustre italien majestueux en verre soufflé.
Ça et là une touche humoristique pour que l'élégance n'ait rien d'ostentatoire.
Vous remarquerez des livres un peu partout, que vous pourrez feuilleter si vous avez donné rendez-vous à un retardataire.

Mais avant de monter, permettez que l'on fasse une pause au bar. Les cocktails aux saveurs surprenantes sont élaborés derrière un bar magnifique. Benoist a voulu 9 cocktails signature très tentants. J'hésite entre le cocktail Café Bouillu avec liqueur Khalua, crème fraîche, sirop de noisette Monin, café et vodka, et le Bouillu Champagne.
Les versions sans alcool sont parfaites mais nous allons goûter, avec modération, une demi-portion de Café Bouillu. est très sympa de le servir dans deux verres. C'est tout de même plus classe !
Notez l'uniforme, noeud pap et bretelles de couleur de Marc-Antoine qui officie en journée. Le soir ce sera Adonis, ancien barman de "l'Echelle de Jacob".
Fabrice Rialland a quitté sa cuisine pour nous raconter toute l'histoire de ce lieu, qui était autrefois la crêperie de "La Compagnie de Bretagne", laquelle connut un franc succès en son temps.

En signant l'acquisition le 9 novembre 2013, avec Benoist Kersulec, son complice et ami, ils ont conservé au lieu son appartenance bretonne et surtout ils ont réalisé le rêve de Benoist dont les parents avaient lancé quelques années auparavant à La Baule un restaurant qui portait déjà ce nom de Café Bouillu, (et qui maintenant s'appelle le Rouge).

Benoist est ancien étudiant de l’école de commerce européenne Sup De Co. Fabrice a oeuvré à la Maison du Danemark, au Chiberta, à l’Hôtel Ambassador, et surtout pendant 15 ans à l’hôtel Costes où il a pratiqué son art en apprenant à rester discret en cuisine et surtout en aimant faire plaisir aux gens.

Nantais, et fier de l'être, il avoue pourtant adorer la cuisine thaï, pour ses parfums et ses saveurs.
L'esprit Costes est sous-jacent. On trouve des produits simples. Toute la différence est dans la sauce, que le chef joue le plus souvent sur une note asiatique. Il vénère les associations thaïlandaises. Il faut "laisser parler le produit" répète Fabrice, ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas de travail en amont. Il faut le voir expliquer le déroulé d'une recette, avec des mots imagés, des gestes du plat de la main, et une multitude de "toc-toc-toc" en cascade qui évoque le geste et le bruit du couteau éminceur. Cet homme ne triche pas en parlant de sa cuisine, c'est une évidence.

Demandez-lui s'il cuisine du surgelé et il répondra illico qu'évidemment les gambas ne peuvent pas arriver autrement de Madagascar. Mais c'est la seule exception à la règle des produits frais.

Il a eu carte blanche pour inscrire ses idées gourmandes. Son associé lui a, quant à lui, imposé les carpaccios. C'était une condition sine qua non pour tracer la route ensemble. Fabrice donna son accord du bout des lèvres pour "un" carpaccio. Non, pas un, il y en aura vingt ! répliqua le futur associé.

Il faut dire que son père ayant été quelques années directeur du Bistro Romain des Champs Elysées, il a eu l'occasion de comprendre combien ce plat pouvait être apprécié de la clientèle à qui on le servait alors "à volonté".
Cette exigence a failli faire capoter le duo. Benoist trancha : fais ta carte et ajoute les carpaccios en plus.

Fabrice concède que pour être simple c'est simple, frais et savoureux, tout ce qu'il prône.  Il y en a 19 exactement et les clients adorent. D'ailleurs ils ne se privent pas de faire respecter la promesse : un de choisi, un second offert.
C'est le nantais et le thai (ci-dessus : viande de boeuf crue, huile d'olive, basilic, gingembre, sésame, ananas) qui sont les plus choisis. Ils sont servis dans les règles de l'art, avec des gressins sur lesquels on enroule la viande.

Ils sont préparés Jesus (c'est le second) dans un espace spécialement dédié, au sein même de la superbe cuisine, située au rez-de-chaussée, et où la brigade s’active chaque jour sous les yeux des clients pour envoyer les assiettes.

On peut prendre un carpaccio en guise d'entrée ou de plat, c'est selon. On demandera alors des pommes allumettes. Un régal ! Mais surtout, il faut accepter que l'on vous poivre le carpaccio, rien que pour la beauté du geste. Jacquier est le fournisseur d'épices et c'est un ami de Fabrice qui lui rapporte la vanille et le curcuma de l'Ile de la Réunion.
Les serveurs connaissent les plats et donnent un avis éclairé.

Nous sommes dans un bistrot. Rien d'étonnant à ce qu'on trouve à la carte l'oeuf mayo qui est l'incontournable de tout "bouillon" qui se respecte. J'y vois une autre logique, sachant que les associés ont pour chiffre fétiche un 9. On en viendrait d'ailleurs à leur suggérer de participer au concours annuel du meilleur "oeuf mayo" même si l'absence de macédoine risque de les disqualifier.
Le blanc est cuit filmé 7 à 8 minutes dans un four vapeur avant d'être découpé à l'emporte-pièce. La mayonnaise est faite au jour le jour. C'est elle qui fait adhérer le jaune. les oeufs sont dressés dans une vaisselle en porcelaine Pillivuyt, siglée des initiales de la maison.

La présentation sublime le plat (à un prix incroyablement raisonnable de 3, 50 €). Alors on s'offrira un verre de Chardonnay, robe jaune dorée, senteurs de miel, de pain grillé, de fleurs d'acacia et notes de vanille, annoncé comme le meilleur du monde (c'est écrit sur l'étiquette : Médaille d’Or au concours des meilleurs Chardonnay du Monde en 2011) que l'on vous servira dans un grand verre ballon à longue jambe, un clin d’œil au côté bistrot du lieu.

Cela étant mon coup de coeur va en ce moment au Colombelle, dont la robe est presque transparente ne laisse pas présager combien ce vin est intensément aromatique. Ce blanc IGP Côtes de Gascogne dégage des senteurs de pamplemousse et de fruit de la passion. Il figure à la carte de ce restaurant. Son prix est plus que raisonnable. Vous pouvez cependant casser votre tirelire sur un Petrus ou un Château Yquem. Car par chance les propriétaires ont une cave insensée renfermant aussi des grands crus, jusqu'à 3500€ la bouteille.

Le Baulois et le Nantais se sont accordés sur une carte de produits plutôt qu’une carte de chef. On trouvera aussi dans les entrées une poêlée de supions provençale artichauts poivrades. Ils sont cuits au beurre, rien que du beurre et on saucera avec un morceau de pain pour ne rien laisser perdre. Surtout qu'il est à tomber. Il est fait dans le 9ème avec la farine du Moulin des Gaults.
Un tataki de thon et saumon ou encore des lobster spring rolls qui ont une allure de nems chic.
On passe aux plats ? Ce n'est pas une mince affaire. La salade Caesar n'est pas une entrée mais un plat. Elle est composée d'un coeur de laitue entier, de suprême de poulet grillé et de copeaux de parmesan.
Au Café Bouillu "tendresse" signifie viande. La version Paris-Tokyo du chef vaut le déplacement avec une association très réussie entre la coriandre et le soja. On se demande si le couteau est vraiment nécessaire pour la découper. Toute la viande vient du "meilleur boucher de Paris", les Boucheries Nivernaises, que le "big boss" du Costes lui a fait découvrir, et qui fournit aussi accessoirement ... l'Elysée.

Je trouve que ces temps-ci, que ce soit en boulange, en épices ou en viande, tous les chefs revendiquent se fournir chez le "meilleur" et donne un nom différent, preuve qu'ils sont une poignée à se disputer le podium.
La cocotte de pluma est fantastique. J'ai appris quelque chose : je ne connaissais pas ce morceau en forme de triangle, voire de plume, qui se niche entre l'omoplate et l'épaule ... du porc, parce que c'est bien de lui qu'il s'agit, n'en déplaise à certains qui veulent se persuader que c'est du boeuf.

Fabrice snacke cette viande pour faire fondre la graisse.Il la cuit ensuite longuement dans une (très lourde) cocotte en fonte avec juste de la fleur de sel, du poivre, de l'ail en chemise. Il y a bien un petit jus mais le produit est quasi brut pour ne pas le dénaturer. Avec des pommes grenaille. Elle est fondante, croustillante, avec un goût de noisette.

Il la sert parfaitement cuite, et pourtant rose marbré, bien que ce soit du porc ...

Arrive le temps du dessert. Je ne doute pas du choix que l'équipe de bretons a faite. L'excellence du camembert AOC à la crème d’Isigny label bleu ne peut pas être remise en cause.

Mais la tarte fine aux pommes est incomparable. J'espère que vous réalisez l'ampleur de la gourmandise des pommes fondantes sur cette pâte croustillante servie tiède, qu'il faut commander dès son arrivée. Elle est cuite à la demande. Et presque supérieure au souvenir que j'ai de celle de ma grand-mère, le compliment n'est pas mince.
Fabrice ne m'en voudra pas de la comparaison. Le moelleux maison a été baptisé Fondant de Marylou en hommage à la mamie adorée de Benoist.
On en trouve des morceaux dans l'assiette de glace au chocolat au lait.

Le cheesecake atteint lui aussi la perfection. C'est avec naturel qu'il nous confie qu'il vient du meilleur spécialiste, Benoît Castel (encore un breton, et lui aussi un ex de Costes) qui, après avoir travaillé avec Hélène Darroze et à la Grande Epicerie a ouvert sa propre boutique Josephine Bakery, rue Jacob.
Par contre c'est bien Fabrice qui a conçu la recette de la mousse ou du triffle. Et la Chantilly est faite minute.

La carte n'est pas immuable en dehors de l'oeuf mayo. Le lobster spring rolls restera sans doute longtemps, tout comme les gambas grillées sauce chien. Fabrice a des projets : un foie gras maison, réalisé avec des lobes du Gers et l'eau de vie de prunes de son papa, une poêlée de Saint-Jacques, pétales d'ail, une crème de légumes, maison cela va sans dire, du boudin (d'Eric Hospital) snacké, fleur de sel, poivre, servi sur une purée maison et de la salade, un Saint-Marcelin de Mme Richard, une crème brûlée maison, un trifle façon Tatin (avec des petits dés de pomme, du calvados, la crème remontée en sabayon, des speculoos) et sans doute une pannacotta myrtille ... de toutes façons allez-y sans attendre, c'est et ce sera tout bon.

Si vous préférez sortir le dimanche, optez pour le brunch. On vous proposera deux taramas, du fromage blanc, des céréales, des compotes, du Saint-Nectaire. Vous rentrerez en cuisine en toute convivialité pour suivre la cuisson de votre oeuf brouillé servi avec des petites saucisses et un tour de moulin de poivre, ou Benedict (celui qui n'a jamais goûté un oeuf Benedict ne sait pas ce qu'il perd). Musique en prime. Cette formule brunch fait elle aussi ses preuves à 25 €, 35 si vous souhaitez des huîtres.
Très franchement ce Café Bouillu mérite amplement sa couronne. Il a commencé à servir la clientèle fin juillet. Il est pour le moment unique mais il se pourrait qu'il soit cloné dans d'autres capitales lorsqu'il aura fait ses preuves.

La foule s'agglutine au carrefour de l'Odéon alors que 200 mètres plus haut ils peuvent déjeuner en semaine d'une entrée plus un plat pour 17 €. Ils ne sont pas si fréquents les restaurants qui font une cuisine qui allie à ce point la générosité et le  plaisir.

Et à propos de générosité, le restaurant Café Bouillu organise un cocktail dinatoire le jeudi 11 décembre au profit de Seeds of Africa de 20 heures à 2 heures du matin.

Association basée en Ethiopie, Seeds of Africa, a pour objectif de créer un modèle autonome d'éducation et de développement dans les communautés villageoises afin de leur apporter les compétences qui leur permettent de subvenir à leurs besoins de manière auto-gérée.

Le principe de la soirée est que chaque convive vienne avec un présent non emballé pour les enfants (peluches, jouets, matériel scolaire ...). Une vente aux enchères sera organisée permettant de réunir une somme au profit de l’association.

Une participation de 40 € par personne est demandée pour l'organisation de ce dîner de Noël un peu particulier et solidaire.

Le Café Bouillu
Ouvert tous les jours, de 12h à 23h pour la dernière commande, à minuit du jeudi au samedi.
Menu déjeuner entrée+plat ou plat +dessert à 17 euros
9, rue de l’Ecole de Médecine 75006 Paris - Téléphone : 01 46 34 19 41 - Parking Ecole de Médecine

Mauvais Garçon de Laurent Bettoni aux éditions Don Quichotte

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Il y a tout juste un an j'avais chroniqué Arthus Bayard et les maîtres du temps de Laurent Bettoni. Il publie déjà un nouveau roman, cette fois destiné clairement à un public adulte toujours aux éditions Don Quichotte.
Premier de la classe le jour, bad guy la nuit. Cette dichotomie aurait de quoi rendre schizo n'importe qui. Mais Thomas a tenu bon toutes ces années, convaincu que bientôt plus rien ne l'obligerait au grand écart. Que bientôt il n'aurait plus à composer avec sa part sombre. [...] Il se faisait penser à Superman quand il quitte sa tenue de héros pour revêtir les habits de Clark Kent. Sauf que sa tenue de combat à lui, c'est un jogging de caillera dealer de beuh.
Docteur Jekyll et Mister Hyde ... le sujet n'est pas nouveau. Sauf que cette fois la schizophrénie de Thomas n'est pas mentale mais sociale.

La quatrième de couverture aurait pu être plus explicite. Car ce roman est très abouti, à mi-chemin entre policier et aventure. J'ai retrouvé le style du précédent mais avec cette fois une dimension sociale et une réflexion politique vraiment intéressante sur les valeurs que défend notre société.

L'école de la République promet. L'entreprise dispose. Le stagiaire idéal se fera distancer par Victor, un fils à papa au prénom prédestiné. La désillusion provoquera un bad trip fatal. Thomas pète un câble et le vigile qui pourrait être un pote lui ordonne d'aller se calmer avec une douche ou de fumer un oinj (p. 42).

Le jeune homme confie au lecteur que pour la première fois de sa vie il a des envies de meurtre. Je n'ai pas les mêmes origines que lui et même si mes parents étaient modestes nous ne vivions pas dans un Horizon Lointain Modéré comme ironise le garçon à propos de son HLM. Cependant j'ai vécu une situation similaire et ce me fut naturel de m'identifier à lui.

Ce n'est pas Don't give up chantée par Kate Bush dans les bras de Peter Gabriel qui suffira à apaiser son désarroi et à le convaincre de se limiter à des ambitions réalistes. Sa petite amie Malika ne pèse pas lourd à côté de Bitchy, la geekette qui va accompagner son initiation au Darknet, cette face cachée du web totalement anonyme où se font des ventes d'armes, de médocs, où s'échangent des séquences pédopornographiques mais qui peut aussi être un outil de communication bravant la censure.

Là encore, le meilleur est possible comme le pire. Le roman monte en puissance en ébranlant nos certitudes (ou nos illusions) concernant les valeurs qu'on s'acharne à défendre. La vie ne serait-elle qu'une partie d'échecs qui se termine toujours par un mat ?

Forcément, le questionnement de son ancien prof de sociologie, Louis Archambault, fait mouche : et si c'était la vraie vie qui se trompait ? Si le système marchait sur la tête ? (p. 56)

Laurent Bettoni pose de bonnes questions. Son livre agit comme un coup de poing.

Mauvais Garçon de Laurent Bettoni, Editions Don Quichotte, Octobre 2014

Rencontre avec Patrick Vavassori, le chef de Comtesse du Barry pour choisir un foie gras

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J'ai visité l'entreprise en octobre (lire le compte-rendu ici). Je vous avais alors promis de vous dire ce que je pense des créations que Comtesse du Barry propose pour les fêtes : le trésor de foie gras aux éclats de mendiants de Noël, le miroir de foie gras de canard aux artichauts braisés, de la truffe noire et une pointe de poivre Sarawak et enfin un marbré de foie et magret de canard fumé.

J'ai rencontré dans le Gers, à Gimont, le chef Patrick Vavassori qui m'a fait découvrir ses dernières recettes.

Les trois que nous avons goûtés sont des foies gras de canards de 200 grammes, mi-cuits, sans conservateurs ni colorants, comme toujours chez Comtesse du Barry. Ne vous inquiétez pas si le produit s’oxyde au contact de l’air une quinzaine de minutes après tranchage, c'est normal mais le résultat sera plus appétissant en coupant les parts au dernier moment.

On observe un peu de graisse sur le pourtour. C’est la partie du foie qui a fondu à la cuisson. Elle est consommable mais surtout pas pour faire sauter des pommes de terre (on prendra à cet effet la graisse de carcasse qui ne sera pas cancérigène à haute température). On peut l’employer par contre comme une huile pour assaisonner une salade ou comme un beurre pour tartiner une tranche de pain grillée et la servir en accompagnement d'une crème de légumes.
Nous commencerons par le foie collection or (nommé Trésor) aux éclats de mendiants de Noël, fruits séchés, dattes, figues, amandes, noisettes et pistaches, sel poivre et porto blanc. L’idéal est d’assurer une harmonie entre le fondant, le croquant et le moelleux… pour un mariage à trois optimal qui satisfait particulièrement les palais féminins. Avant d’arriver à ce résultat, Patrick a effectué plusieurs essais avec la moitié et le double de fruits secs avant de valider le bon dosage. Ce sera le foie gras phare de Noël.

J'ai appris au fil de la discussion que le mi-cuit maison est réalisé à une température minimum de 45 à 57°. En industriel il est entre 68 et 72°. mais chez la Comtesse il est cuit à 85° pour offrir les meilleures garanties sanitaires et assurer une DLC de 18 mois.

Il faut aussi savoir que plus on cuit longtemps plus on perdra les flaveurs. Si on aime le musqué on choisira donc du mi-cuit. Entre canard et oie il y a encore de quoi hésiter. Disons que le foie d'oie est plus pâle mais plus ferme, d'une saveur plus douce. Le foie de canard a l'avantage d'être moins cher (mais il réduit davantage à la cuisson), plus moelleux et plus parfumé.
En deuxième position, le Secret n° 15, miroir de foie gras de canard aux artichauts braisés, de la truffe noire et une pointe de poivre Sarawak. Cette fois c’est le Porto rouge qui est venu adoucir l’ensemble. Patrick conseille de l’accompagner d’une salade de mâche, ou d’endive, vinaigre de cidre, huile de noisette. 
Le chef est parti de ce qu’il cuisinait autrefois, des artichauts braisés à cru avec un salpicon de truffe qu’il servait sur un foie poêlé. Vous ne l'avez peut-être pas remarqué mais les Secrets ne portent que des nombres impairs, et ces deux-là sont des recettes typées.
En troisième position une recette presque hispanique dans laquelle entrent le paprika et le vin rouge. C’est le Secret n°11, un marbré de foie et magret de canard fumé qui séduit les hommes, surtout si on le sert avec un vin de Xérès, en oubliant le pain brioché pour lui substituer une tranche de campagne.
S'il me faut émettre un classement je mettrais à égalité le premier et le troisième, bien que radicalement différents.

Patrick ne manque pas de projets. L’anguille fumée, en provenance de l’estuaire de la Gironde, figurera peut-être dans quelques mois au catalogue.

En attendant il y a nombre de plats délicieux au catalogue, comme le chapon aux morilles, sauce Sauternes Xérès, fondant, parfumé, le sanglier Grand Veneur et ses carottes (à peine blanchies avant la mise en conserve)...
... un gratin de pommes de terre aux cèpes qui laisse un souvenir impérissable.
Patrick Vavassori passe en ce moment le plus clair de son temps en production parce qu'il doit garantir ce qui sort. Mais l'essentiel de son talent il l'exerce en création comme en témoignent les 45 nouveautés de cette année. Cependant il n'est pas le seul chef à oeuvrer ici. Il y a un autre cuisinier, Patrick Philippe, également directeur commercial, qui est chef de formation et qui a travaillé au Ritz en cuisine. Il a rejoint l'entreprise après une belle expérience à l’Atelier des Chefs.

Il travaille chez Comtesse du Barry depuis 26 ans et il pourrait raconter des anecdotes par centaines. Parfois malheureuses comme un buffet à la Villette, déserté par les politiques au temps de la cohabitation et qui a fait le bonheur des SDF du quartier. D'autres très heureuses comme le souvenir d’avoir régalé les cosmonautes de Soyouz qui jusque là ne s’étaient nourri que de purée en tube. On peut dire que la Comtesse fut la première à avoir envoyé des plats préparés dans l’espace.
Pour la première fois ils ont dégusté, c’est le mot juste, des plats de cuisine traditionnelle : un gargaillon de queue de bœuf aux petits légumes, un lapin aux pruneaux et dattes, un crabe pomme verte et curry léger, un homard sauce gingembre et orange … 
Les six recettes avaient été choisies parmi 21 qui toutes ont donné du fil à retordre à Patrick.
J’ai repassé la chair des crabes 19 fois entre mes doigts pour être sur qu’il n’y avait pas d’esquille. Je n’ai arrêté qu’à une heure du matin. C’aurait été fatal en vol. Le cahier des charges était draconien. Tout devait pouvoir être aussi bon froid que tiède ou chaud et que surtout rien ne coule et soit consommable à la petite cuillère.
Après l'air, la mer avec Olivier de Kersauson qui a bénéficié de certains échantillons. Isabelle Autissier par contre est partie avec les mêmes plats que le commun des mortels.

Patrick connait par coeur l'histoire de l'entreprise, créée en 1908 année  à Gimont par un couple qui s’appelait Dubarry, mais en un mot. Gabrielle était charcutière, et son mari ferblantier. Une charcuterie "A la comtesse" a longtemps subsisté sous la halle.

Gabrielle eut l’idée de monter à Paris vendre ses foies gras à la Foire. Cela marcha si bien que la demande étant forte ils mirent en place de la VPC. Ils figurent ainsi parmi les premiers à avoir lancé des catalogues.

Toutes les étapes sont mentionnées sur le site de la marque. Y figure notamment la date de 1954 qui marque l'invention du premier bloc de foie gras par Henri Lacroix-Dubarry.

Malheureusement ils sont victimes d’une terrible grève postale en 1974, ce qui les pousse à ouvrir leur première boutique à Gimont puis des succursales et des franchises. Aujourd’hui le réseau est riche de 60 boutiques, y compris outre-mer.

On doit à la première génération les foies gras et les plats fins cuisinés. La seconde génération a lancé la VPC et les boutiques. La troisième a poursuivi en créant le site web en 1996. Ce fut le premier site marchand dans le domaine de la gastronomie.

Il y eut ensuite le rachat par Maïsadour, une entreprise de 23 millions de chiffres d’affaires. Depuis fin 2013 Jérôme Fourest est arrivé à la tête de l’entreprise, après de belles expériences à l’Atelier des Chefs et à la Maison du Whisky.

Gimont peut être fier de l'entreprise ... comme de son clocher.

La nouvelle carte du Saperlipopette !

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Lundi dernier je vous racontais l'inauguration du Saperlipopette! le restaurant de Norbert Tarayre, ... enfin presque. Nono s'en est expliqué sans tourner autour du pot sur les magazines télé : "Je suis juste consultant. J'établis la carte, je forme et dirige ma brigade, mais le restaurant ne m'appartient pas. En gros, j'ouvre un restaurant éphémère. Pendant un an, je suis en cuisine. Et ensuite, on verra".

Le propriétaire est Hakim Gaouaoui que j'ai retrouvé le lendemain de la fête. impossible de croire que le dernier invité était parti à 5 heures du matin.

Tout est rentré dans l’ordre. La Tour Eiffel a réintégré l’intérieur et chaque table est à sa place. Seul le menu n’est pas imprimé. Et pour cause l’équipe a décidé à l’aube de lancer la nouvelle carte.

Du coup ce sont les amis qui s’y collent, appliqués, et qui le recopient à la craie sur les grandes ardoises.

Hakim est à pied d’œuvre et sa femme Marie assure elle aussi. Je leur demande leur secret. Il parait que c’est juste l’adrénaline. Le propriétaire fait le service en rythmant la musique, véritablement heureux. Il faut dire qu’une vraie foule se presse pour le déjeuner. Je vous conseille donc de réserver.

Cette enseigne de 170 couverts appartient au nouveau genre "bistronomique", du gastronomique à des prix abordables. Quelques entrées, quelques plats et trois desserts constituent la carte qui sera modifiée tous les 15 jours environ. Les plats, composés de produits frais et de qualité, sont travaillés sur place. 
Je remarque cette fois la tenue des serveuses, que porte aussi Marie, en pantalon de cuir noir, boots, chemise blanche et gilet de fourrure noire très stylé, signé par Oakwood, une marque qui dépose à Rueil et Puteaux (chez Elysa, 105 rue Jean Jaurès).
Une foule de détails me sautent aux yeux : dehors les oliviers arborent des fruits très murs; la boite aux lettre bleue donne envie d’écrire des cartes postales de vacances; la place a davantage encore qu’hier soir des allures de Disneyland.
Ces lampes, toutes différents, qui sont posées sur les tables n’ont pas été achetées dans un célèbre entrepôt scandinave, Elles viennent, tout simplement, d’en face, de Nox, comme les moutons et le fauteuil des toilettes. D’autres articles ont été acquis dans la boutique d’à coté, Mon cadeau préféré.
Hakim a déniché l’énorme cerise de l’escalier pendant le Salon Maison et Objets. On peut la trouver en version mini chez Nox.
La sommelière et la pâtissière ne sont pas là mais les deux chefs, Yoanne et Kévin, sont fidèles au poste.
Comme la cuisine est ouverte il est tentant de monter les féliciter. Kevin est conscient du challenge : "C’est le coup de feu, on a très peu dormi et on lance la nouvelle carte. Si on passe ce cap là on passera tout."

Une cliente surgit, tend la tête sous le passe-plat et commence à entreprendre le chef avec ses allergies à l’œuf et au gluten. Elle l'interroge sur la composition des entrées. Très vite il lui propose du sur mesure : "Je vais vous faire une petite tombée d’épinards, deux, trois coquilles Saint-Jacques, sauce vierge, quelques légumes croquants. Vous direz au serveur que c’est une entrée spéciale."

Un cri résonne : en direct 3 cotes de veau rosées. Les plats surgissent. L’animation est à son comble. Le ballet des serveurs est incessant. Malgré le rush chacun demeure vigilant : y a pas de bon, on part pas !

Je suis aux premières loges pour découvrir cette nouvelle carte. Voici les entrées :
Foie gras chutney pommes betteraves
Velouté de potiron St Jacques roties éclats de châtaigne
Saumon (belle hauteur pour une entrée) crémeux et sommités de choux fleur
On enchaine avec les plats comme la cote de veau et la cote de boeuf.
Il y a aussi le Magret de canard mousseline de céleri à la vanille dont ils m'avaient parlé le soir de l'inauguration
Poitrine de port braisée, carottes, pommes de terre, soja, oignons, champignons
Daurade, risotto, parmesan, roquette
Comme dessert, outre le baba au rhum, crème double vanille, brunoise d'ananas, il y a un formidable Entremet Gianduja : Entremet biscuit, feuillantine pralinée, dacquoise noisette, mousse légère au Gianduja entre chaque couche, montage en cage puis découpe.
Et un éclair au carambar
La terrasse est vaste. Elle offre un espace sécurisé pour les familles qui se laisseront tenter par le manège à l’ancienne.

J’avais de Puteaux une image stéréotypée de béton glacial. J’ai découvert une ambiance de village et j’envie les habitants de bénéficier de si jolies boutiques, à deux pas du marché, des jardins partagés et du théâtre.

Je comprends que Hakim ait eu un coup de cœur pour cet endroit. Il en a fait un lieu contemporain sans concéder à la chaleur qui est nécessaire en région parisienne.

Comptez environ 50 € hors boissons à la carte. Menu "Miam Miam" avec libre choix sur toute la carte à 42 € (60 € avec un accord mets et vins). Menus "Miam"à 35 € autour des mets à choisir parmi les étoiles de la carte, et "Miam Express" au déjeuner et en semaine à 26 € pour un plat plus un dessert choisi  pour vous par le chef.

Et quand je dis "carte" je devrais annoncer "gazette" car le menu est sous une forme très originale de magazine.
Avis aux amateurs de glamour : relisez le billet consacré à l'inauguration.

Restaurant Saperlipopette!  Ouvert tous les jours, Accueil continu de midi à 23h
25 rue Mars et Roty ou 9 place du Théâtre,  Puteaux, 01 41 37 00 00
Métro La Défense

Il faut faire saigner la peinture, biographie de Niki de Saint Phalle par Elisabeth Reynaud

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Elisabeth Reynaud retrace à l’occasion de la rétrospective au Grand Palais jusqu'au 2 février 2015, l’incroyable destin de Niki de Saint Phalle.

Difficile de trouver un plus bel exemple de résilience. Cette artiste a toujours eu pleinement conscience des angoisses qui s'agitaient en elle. Mais pour ne pas sombrer dans la folie, elle est parvenue, selon ses propres mots "à apprivoiser mes monstres, à jongler avec eux."

On pourra dire que c'est le propre du génie créatif. On pourra aussi s'inspirer de ce récit de vie pour adapter la philosophie à soi-même car nous avons tous, plus ou moins, quelques monstres à dompter.

Niki révèle dans un livre dédié à sa fille Laura, intitulé "Mon Secret", la blessure dont elle ne guérira jamais tout à fait, l'inceste paternel, qui la rendra sauvage, excessive, déterminée, comme une espèce non pas de vengeance mais de revanche. C'est l'analyse que fait Elisabeth Reynaud qui l'a très bien connue et un des intérêts de son livre est de faire le portrait sans concession de la femme derrière l'artiste qui disait vouloir "faire saigner la  peinture".

Agnès de Saint Phalle est née à Neuilly-sur-Seine en 1930. Elevée à New York, la future Niki y débute comme mannequin avant d’élaborer avec détermination une œuvre protéiforme, radicale, d’une grande vitalité. Qui ne connait pas ses célèbres Nanas, le Jardin des Tarots, la Fontaine Stravinsky… ?

Depuis les premiers collages, en passant par les fléchettes et lesTirs, peintures iconoclastes et violentes de ses débuts, jusqu’aux sculptures monumentales issues de la collaboration avec son mari Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle n’aura cessé d’explorer les méandres de son inconscient. Elle puise aussi ses influences dans les oeuvres de peintres tels que Picasso, Matisse, Dubuffet, le Douanier Rousseau et de sculpteurs comme le Facteur Cheval ou Gaudi en particulier qui lui inspirera le Jardin des Tarots en Toscane.

On suit les épisodes de sa vie comme une succession de rebondissements ponctués de longs moments de silence qu'elle utilise comme une stratégie de survie (p. 32). La vie et la mort l'auront fascinée (à commencer par celle de sa grand-mère, mais il y eut aussi le suicide de sa soeur, l'accident cardiaque de son père  et d'autres suivront). Les serpents également. Les courbes l'apaiseront. Les couleurs donneront de l'énergie à cette artiste hyperactive.

La lecture souligne que sa vie aura néanmoins été ponctuée de moments très drôles, excitants et dangereux.

En particulier dans le domaine de sa vie privée où elle joua une partition d'enfants terribles avec Jean Tinguely qui affirma qu'elle fut le plus grand sculpteur de notre époque.

Elle est décédée à San Diego, 2002 après avoir enduré une maladie très éprouvante, consécutive à l'emploi des matières chimiques pour consolider ses sculptures.

Ancienne collaboratrice de la galerie Artcurial, Elisabeth Reynaud est l’auteur de biographies de femmes exceptionnelles. Depuis 2008, elle préside le prix Bel Ami. Elle vit à Paris, mais ne reste jamais longtemps sans voyager en Inde ou en Afrique.

Il faut faire saigner la peinture, biographie de Niki de Saint Phalle par Elisabeth Reynaud, chez Ecriture, 2014

Pourquoi tu n'as rien dit grand-père ? de Sylvie Kienast dans la Maison de Thé George Cannon

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Ça a été très dur quand je l’ai fait et pendant les six mois qui ont suivi. Le personnage m’a bouffée, nous a confié Sylvie Kienast ce soir. Mais je pense avoir libéré mon père, … et mes enfants aussi sans doute.

Elle livre un récit de famille, l’histoire d’un grand-père prisonnier durant la seconde guerre mondiale, dans un récit empreint de philosophie, de psychologie, d’amour et de vérité, parlant de comportements humains, du poids de l’enfance, du sens de la responsabilité et du devoir de mémoire, sous forme de dialogues. En s’appuyant sur ses archives, l’auteur a livré, disséqué et immortalisé la vie de ceux qui ont vécu cette situation trouble, en l'occurrence celle de la collaboration, afin que leur mémoire ne s’efface pas. 

Soit on croit à cette histoire, soit on n’y croit pas. On prend le train ou pas. Mais tout le monde est unanime sur la question : aucun prisonnier ne pouvait parler de ce qu’il avait vécu. On ne les aurait pas cru. Ce qui s’était passé dans les camps de concentration était alors purement et simplement "inénarrable".

Il fallait une dose de générosité extraordinaire pour penser aux autres dans les camps. Parce que l’urgence était d’abord se sauver, soi.

Passionnée de cuisine et d’écriture, Sylvie Kienast a suivi une formation de trois ans à Aleph Écriture. Son livre Y a quoi dans mon frigo (2013, La Martinière), titre éponyme du blog qu’elle a créé sous le nom de Sylvie Kitchen, s'inscrivait dans le domaine culinaire. Je l'ai beaucoup apprécié. En 2012 paraissait Textes et Prétextes où une fille s'adressait à son père. Son nouveau livre, Pourquoi tu n’as rien dit grand-père ? est paru aux Éditions Edilivre.

La présentation du livre, encore une interrogation, a eu lieu il y a quelques jours autour d’un thé George Cannon dans un endroit que j'aime particulièrement La Maison de Thé George Cannon – L’Essence du Thé au 12 rue Notre Dame des Champs 75006 - PARIS.

Olivier Scalaétait là ce soir et ce fut l'occasion de reprendre une conversation que nous avions eue ensemble. A quelques jours de Noël je n'ai pas résisté à lui demander quels étaient selon lui les plus beaux thés de la boutique. Il a sélectionné trois crus Grandes Origines.
D’abord un Yunnan Dian Hong, un thé rouge oxydé de Chine de très belle origine. C’est un thé très charpenté, fort et rigoureux tout en restant très doux. Il exhale des notes de tabac blond, de moka.

D'une magnifique couleur ambrée ce thé me fait retrouver le parfum le plus enfoui dans ma mémoire olfactive. On conseille de le boire en milieu de matinée. Il doit infuser 5' dans une eau idéalement à 95°. On peut en faire 3 infusions successives.

En deuxième, un Darjeeling, qui est un thé d’altitude en provenance d’un jardin. Surprenant par ses notes de pêche blanche c'est par excellence le thé d'après-midi.
Enfin un Gyokuru Asahi, un thé vert, fragile, qui doit être conservé au réfrigérateur et qui est un très grand crû, un des meilleurs du Japon. Cette fois je suis surprise par des notes plus iodées, presque de légumes verts. Certains diront des arômes d'épinard et d'embruns.

Comme il faut l'infuser avec une eau (filtrée) entre 50 et 65 ° pendant 1 à 2 minutes on devine que le breuvage ne sera pas brûlant. J'ai donc en quelque sorte "réchauffé" le mazagran avec de l'eau chaude pendant l'infusion. Inutile de sucrer : ce thé se distingue par sa couleur vert foncée et son arôme corsé sucréC'est vert et à peine citronné. Très surprenant pour qui n'est pas initié, ce breuvage est un vrai trésor avec peu d'amertume, une très belle longueur fraiche en bouche qui justifie son nom japonais signifiant noble goutte de rosée.
Au contraire de la plupart des autres thés, qui sont des thés de lumière, le gyokuro est un thé d'ombre, ce qui lui confère sa typicité. Ses feuilles sont couvertes 3 semaines avant son unique récolte en avril pour empêcher le rayonnement direct du soleil sur les feuillesLes théiers se développent alors moins vite, la teneur en chlorophylle des feuilles augmente et le taux de tanins baisse. Ce thé est riche en théanine et pauvre en tanins, ce qui lui confère un goût très doux et umami. Sa force en théine en fait un substitut du café. On le boira le matin. C'est lui qui célèbre l'arrivée du printemps au Japon. 
Cher ? Cela se discute. Car on peut infuser 3 fois. Olivier conseille de faire plusieurs infusions en augmentant la température de l’eau et baissant le temps d’infusion.

Olivier en profite pour insister sur la manière de préparer le thé, qu’il provienne d’un grand jardin ou qu’il soit plus « courant » il faut le réussir, et pour cela respecter scrupuleusement les indications de température et de durée d’infusion.
Olivier Scala est réputé aussi pour ses mélanges non parfumés. Par exemple l'English Breakfast qui existe en vrac comme en sachet mousseline. Il est composé de thés noirs de Ceylan, Inde et Kenya, tous des grandes origines.

Il estime qu’il y a bien une quarantaine de "best-sellers" parmi les quelque mille références de thés de sa maison et dont il propose trois cents dans la boutique de la rue Notre Dame des Champs.
S’il fallait établir un palmarès parmi les mélanges parfumés ce serait Secret Tibétain qui arriverait en tête. Il vient d’être sélectionné par Guerlain pour accompagner le dessert de Guy Martin, la Petite robe noire. C'est un mélange de thés noirs de Chine et de Ceylan. On remarque nettement des notes de vanille, de bergamote et d'épices.
La Moukère de Sidi Kaouki arriverait juste après. Ce sont des thés verts de Chine et des thés de Chineà la rose, enrichis de pétales de rose, d'arômes de menthe et de fleur d’oranger qui embaume le miel alors qu’il n’en contient pas. Un régal en accompagnement d'une tranche de pain d'épices d'Eric Kayser.
Plus récemment, Paris est une fête affirme son succès avec ses arômes de champagne et de nectarine. Et bien entendu des nouveautés conçues spécialement pour les fêtes de fin d'année ou pour la Saint-Valentin.

La maison Georges Cannon est une boutique, mais aussi un salon de thé, où l’on peut accompagner la boisson par une délicieuse pâtisserie de Sadaharu Aoki.
Les murs offrent un espace d'exposition. La dernière en date rassemblait des photographies de Clément Ledermann intitulée Pu'er : Portrait d'une famille.
C'est à ce photographe que l'on doit aussi les jolis coussins si particuliers qui garnissent les banquettes, encore des feuilles de thé, mais en très gros plan.
C’est encore un lieu où se pratique la cérémonie du thé, Cha No Yu, un samedi par mois, dans un espace qui mesure idéalement 4 tatamis et demi. La cérémonie est très esthétique, un peu austère mais magnifique. Elle est organisée pour un maximum de cinq personnes, parce que 5 est le chiffre magique du point de vue japonais.

C’est aussi un espace beauté de soins shiatsu. Olivier Scala aurait voulu qu'on utilise des produits à base de thé mais pour le moment cela reste un rêve. Les lotions et crèmes sont néanmoins toutes bio et les mains et le savoir-faire de Claudine Montazeni font merveille.

Thés Georges Cannon, 12 rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris, tel 01 53 63 05 43
Plus de renseignements sur le site.
Et pour relire le précédent article consacré à la maison Georges Cannon c'est .

Connaissez-vous la bière de Noël ?

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On connait la bière de printemps, peut-être parce qu'elle est présentée au mois de mars au Salon de l'Agriculture, qui est une bière de fermentation haute ambrée et peu alcoolisée (4, 5 à 5, 5°). Mais la bière dite de Noël dont on commence à parler de plus en plus n'est pas une nouveauté.

On brassait autrefois les bières au rythme des récoltes. Afin d'écluser leur reste de matières premières pour pouvoir accueillir la nouvelle récolte, les brasseries du nord de l'Europe utilisaient toutes les réserves d'orge et de houblon restant dans les greniers pour confectionner en octobre (elle était au Moyne-âge appelée bière d'octobre) une bière destinée à être consommée à la fin de l'année.

C'était une bière de type ale, forte et dense, puisque riche en matières premières. Elle était traditionnellement offerte aux employés et aux bons clients en guise d'étrennes. Les contraintes de conservation et de transport ont aujourd'hui disparu, mais cette tradition a donné lieu au commerce d'une bière de saison disponible uniquement pendant le mois de décembre. On l'appelle bière de Noël et j'ai eu l'occasion de goûter l'Affligem Christmas.

Sa palette aromatique est forte au nez, avec des notes d'épices, de miel et de fruits secs qui s'accordent parfaitement avec l'esprit festif. Sa robe est translucide avec des reflets de caramel roux. Elle est ronde et généreuse. Son amertume est marquée mais elle n'est pas dérangeante parce qu'elle génère une sensation de fraîcheur. C'est une bière brune titrant 6, 7° d'alcool. A consommer donc avec modération.

Les gourmands pourront l'associer avec originalité avec quelques chocolat ou des marrons glacés. L'accompagnement sera différent en fonction du moment de la journée. Pour ma part, je l'ai appréciée avec un sandwhich épicé : un pain aux céréales, des lamelles d'un fromage au wasabi du Moulin des délices, de fines tranches de betterave Crapaudine, une chiffonnade de jambon, une poignée de mesclun. 

Affligem est une marque de bières de caractère qui prend ses racines dans les Flandres belges en 1074. On m'a raconté que l'on doit l'activité brassicole à six brigands de grands chemins, graciés par la Couronne de Belgique, qui ont décidé de se repentir et revêtir la robe monacale. Ensemble, ils posent les premières pierres de l’abbaye qui allait devenir l’une des plus puissantes de la région des Flandres : l’abbaye d’Affligem.

Leur vie monastique est alors rythmée par les prières, mais aussi par la culture de leurs jardins pour subvenir à leurs besoins. Ainsi naquit leur activité brassicole, perpétuée durant près de sept siècles, qui devint le symbole de leur hospitalité et de leur savoir-faire.

Leur monastère sera partiellement détruit par les révolutionnaires français. Les moines sont expulsés et dépossédés de leurs terres. En 1841, sous l’impulsion de l’un de ses survivants, Dom Veremundus d’Haens, les autorités ecclésiastiques permettent la restauration canonique de l’abbaye. L’abbé, qui avait précieusement conservé la recette, parvient à relancer l’activité brassicole.

Une nouvelle fois contraints de quitter les lieux pendant la Seconde Guerre mondiale, les moines ne retrouveront l’abbaye et une brasserie complètement détruite qu’en 1947. Ils décident alors de confier la fabrication de leur bière à des brasseurs laïques. En élaborant la Formula Antiqua Renovata en 1950, le FrèreTobias adapte la recette originelle aux techniques modernes de brassage pour en permettre la transmission à des brasseurs indépendants.

Depuis 1970, le brassage s’effectue à la brasserie Affligem à Opwick, village voisin de l’abbaye. L’abbaye, quant à elle, continue d’abriter une communauté active de 17 moines, régie par le père abbé, Dom Rik de Wit. Propriétaires de la marque, les moines exercent à ce titre un droit de regard sur l’ensemble des actions de la marque Affligem.

Outre la bière de Noël on peut varier avec Affligem Blonde aux reflets d’or et de cuivre. C'est une bière blonde, ronde et complexe. Ses saveurs intenses, fraîches et subtilement fruitées, allient des notes d’agrumes, de fleurs d’acacia, de miel et de pain d’épices. Elle est longue en bouche, donnant l’occasion de profiter de son équilibre doux-amer.

La "Prima Melior"était le brassin d’exception de l’abbaye. Brassée avec une quantité d’eau moins importante pour une quantité d’orge plus importante, sa consommation était exclusivement réservée au père abbé. C’est cette Prima Melior qui porte aujourd’hui le nom d’Affligem Tripel.

D’un blond doré soutenu, lumineux et nuancé de roux, c'est une bière ronde et charpentée, aux fines bulles et à la mousse généreuse. Elle délivre des saveurs confites et épicées exhalées par un long processus d’élaboration. Plus corsée que les bières d’abbaye traditionnelles, elle titre 8, 5 °. Elle est longue en bouche, soutenue par une amertume dominante.

Quant à la Cuvée Florem, c'est le résultat de la quintessence du savoir-faire de la brasserie Affligem. Son élaboration s’est faite pendant près de deux ans pour créer cette bière qui révèle un bouquet riche et raffiné. Un harmonieux mélange de saveurs florales houblonnées, complétées par des notes muscatées discrètes et acidulées, dans la plus grande lignée des bières de l’abbaye d’Affligem.

D’un blond cuivré avec des reflets dorés et une belle transparence, elle est lumineuse et brillante. Sa complexité immédiate sur le floral pourrait s’apparenter aux senteurs des fleurs de sureau et à l’herbe coupée. Elle s’accompagne de notes d’agrumes avec une légère odeur de fermentation de fruits et d’épices. L’attaque en bouche est douce, très légèrement sucrée avec une pointe d’acidité. L’amertume discrète favorise une impression de fraîcheur douce.

C'est dire combien le consommateur dispose d'un large choix. Mais attention la bière de Noël ne sera pas disponible plus d'un mois !

Quelques mots à propos des attributs de la marque, qui ont été remaniés cette année. La nouvelle bouteille est élancée et élégante, pour mieux mettre en avant les symboles d’Affligem, gravés sur son col : la date de création de l’abbaye, le blason organisé autour de l’épée de St Paul, ancien soldat converti au christianisme, et la paire de clés de St Pierre. L’une est en or céleste et l’autre en argent terrestre. Elles permettent d’ouvrir les portes du paradis.

On les retrouve en gravure sur le pied du nouveau calice. Plus statutaire par sa forme échancrée et ses finitions, ce verre permet une dégustation optimale, à la hauteur des brassins de qualité que propose Affligem.

Le tout est représenté sur fond bleu, couleur officielle de la confrérie des moines bénédictins.

La devise de l'abbaye, Felix Concordia, "Être heureux dans la paix", symbolise l’engagement des moines autour d’un travail patient et en commun de la terre et du brassage. Elle fait lien avec la philosophie de brassage de l’abbaye : harmonie, complexité et authenticité.

Conversation féministe à l'Espace Culturel Vuitton

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L'Espace culturel Vuitton organise régulièrement des conversations pour apporter un regard complémentaire aux expositions. Aujourd'hui la rencontre se fait en contrepoint de l'exposition In-Situ dont j'ai rendu compte en septembre, entre Mimi Bastille, artiste, membre fondatrice du collectif "Les Répondeuses", Marie-Laure Susini, psychiatre, auteur de La Mutante (Albin Michel, 2014) et Annabelle Gugnon, critique d'art.

La critique d'art (à gauche sur la photo) a commencé en préambule en lisant un article de journal à propos des combattantes kurdes luttant à Kobane. Ce journal disait en substance que la lutte féministe était loin d’être gagnée et que leur guerre se situait avant tout sur le terrain des idées.

Simone Veil avait prévenue il y a quarante ans : Il y aura des reculs, attendez-vous y.

Mimi Bastille a commencé avec les Répondeuses dans les années 70. Elle ne s’attendait pas à ce que ce mouvement fasse l’objet d’une œuvre d’Andrea Bowers. C’est une de ses amies qui l’alerta en lui annonçant la nouvelle. J’ai rappliqué avec joie, nous confie-t-elle avec un humour que nous allons apprendre à apprécier.

Les dates-clés des mouvements féministes

En 1970 (le 26 août) une douzaine de militantes anonymes déposent une gerbe sous l’Arc de Triomphe, à la gloire de la Femme du soldat inconnu. Sur leurs banderoles, il est écrit : Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme. Elles sont aussitôt arrêtées par la police, mais dès le lendemain la presse annonce "la naissance du MLF". Le nom a été déposé comme marque commerciale par la Librairie des Femmes.

En 1971 le "manifeste des 343 salopes" qui ont le courage de dire "Je me suis fait avorter". Toutes ne l'avaient pas fait. Beaucoup ont signé par solidarité.

En 1972 c'est le procès de Bobigny.

En 1974 le Président Giscard d'Estaing demande à Simone Veil de présenter la loi sur l'avortement;

En 1975 démarre le mouvement des prostituées.

En 1976à la Mutualité le meeting pour obtenir la criminalisation du viol qui n'est alors qu'un délit.

Face à la difficulté d'informer un groupe de femmes décide de "faire un répondeur". c'était une idée très neuve à ce moment là. On venait relever es messages. On les notait sur des petits cahiers. Il a fallu financer le répondeur de manière professionnelle. On a créé le groupe des Babouches qui nous faisait vivre à mi-temps. Et on faisait une fête tous les ans à Wagram avec une affiche comme celle qu'Andrea Bowers a reprise.

Carole Roussopoulos fut la première à filmer, avec une caméra video (là encore c'était pionnier), ce qui a permis de conserver un historique extraordinaire au Centre Simone de Beauvoir. Un de se premiers films s'intitulait : où est-ce qu'on se mai ? signifiant bien que les femmes avaient en quelque sorte été oubliées en mai 68. Et pourtant le mouvement féminise prend racine dans les années 1889, à l'initiative de manifestations de femmes. Cela n'empêche qu'Olympe de Gouges a été guillotinée.

On se libérait de la chape de plomb d'un destin obligatoire. C'était toujours amusant, avec des slogans drôles, dans un fort brassage social, à l'inverse d'autres mouvements révolutionnaires. Puis les Répondeuses se sont un peu effilochées comme d'autres dispositifs.

Si les femmes sont souvent en avant-garde les hommes parviennent à reprendre le dessus. Mimi Bastille s'exprime avec le sourire et une forte bonne humeur mais elle a conscience de choquer sans doute Marie-Laure Susini : elle a toutes les raisons de me foudroyer du regard. Nous n'avons pas le même parcours.

La génération de femmes ayant commencé à bénéficier de la contraception a eu la possibilité de travailler. Elles ne se sont plus identifiées à leurs mères et ont demandé l'égalité professionnelle. C'est en pensant à elles qu'elle a écrit la Mutante.

Quand elle terminait ses études Marie-Laure Susini avait remarqué que la psychiatrie n'attirait pas les hommes. Les concours de médecine étant anonymes elle a pu diriger des services. On cherchait alors à sortir de l'exclusions les malades mentaux, les psychotiques criminels. Elle a beaucoup d'intérêt pour les phénomènes de société.

Devenir sujet de sa vie

Tel était l'objectif des femmes selon Mimi Bastille alors que la femme de la Mutante est un objet de la science. la contraception et la loi autorisant l'avortement ont représenté d'énormes progrès; Aujourd'hui il faut reconfirmer la loi. Du coup le choix de la date de cette conversation est peut-être un hasard total dit Annabelle  mais un hasard éclairé.

mais il est hors de question de restreindre la femme à son rôle de mère. Il ne faut pas oublier qu'une femme meurt tous les 2,5 jours du fait de violences conjugales. Et c'est sans compter les violences sociales, le chômage, qui touche plus les femmes que les hommes. Tout cela fait dire à Mimi qu'on avait sans doute des mères qui rêvaient de devenir ce qu'on était en train de faire. Les jeunes ne se rendent pas compte mais la femme n'a eu le droit d'ouvrir un compte bancaire personnel qu'en 1962.

Etre féministe n'est pas synonyme de harpie

Elle souligne qu'il n'y a pas d'héroïsme rétrospectif à avoir mais une joie toujours forte à en parler. La presse a posé un regard déformant sur le mouvement. Les féministes ont été soupçonnées d'être des sorcières alors que les femmes pourraient leur dire "merci".

Que les jeunes oublient tout cela et on pourrait croire que le statut de la femme soit devenu "normal". Pourtant non. Beaucoup de choses sont étouffées comme les viols dans les collèges.

Elle reconnait que le mouvement comptait beaucoup de divorcées, surtout pas que des homosexuelles contrairement à ce qu'on peut supposer. De plus les homos de l'époque n'avaient pas le coté queer que l'on voit aujourd'hui.

Pourquoi les femmes d'aujourd'hui sont-elles différentes ?

Marie-Laure Susini a étudié la question au travers de trois destins de femmes ayant laissé une oeuvre au temps du patriarcat, réussissant à se faire un nom, arrivant à concilier une ambition professionnelle avec une véritable vie d'amoureuse.

Ce fut le cas de George Sand. Elle se vivait au masculin, choisissant des hommes qui ne pouvaient pas contester son autorité. Ils étaient plus jeunes, ou malades ...

Gabrielle Chanel a incarné l'image de la femme émancipée par la guerre, quittant le corset. Elle a obtenu de son protecteur, Boy Capel, de mettre des fonds dans son entreprise plutôt que de l'entretenir.

Margaret Mitchell appartenait à la meilleure société d'Atlanta. Elle est expulsée de son monde lors d'un bal de charité en 1920 parce qu'elle a dansé une danse apache de cabaret. Elle vivra la passion, sera une femme battue, se mariera. Elle témoigne de la possibilité de se tenir à distance du fantasme de soumission pour en faire une oeuvre, Autant en emporte le vent.

La réussite arrive au prix d'un grand courage, d'insoumission, de rébellion. N'empêche que Mimi Bastille souligne que Marie Curie a reçu deux fois le Prix Nobel mais n'a jamais eu le droit de vote de sa vie. Son aventure avec Paul Langevin a fait scandale.

Une scission autour de la PMA

La Procréation Médicalement Assistée est dénoncée par les féministes. La Gestation Pour Autrui encore plus. Vendre le corps de femmes les scandalise. L'institution du mariage ne leur convient pas. Elles auraient préféré ne pas revendiquer le mariage pour tous.

Pour Marie-Laure Susini il convient de dissocier la procréation de la sexualité. Un enfant nait de la volonté de la mère. Cette autorité est considérable. Toute la société est en train de changer à ce propos.

Lisbeth Salander, l'héroïne de Millenium, est une guerrière. Les jeunes s'habillent comme elle, s'identifiant à un personnage qui n'a plus besoin des hommes.

Elles portent les mêmes jeans que les garçons, apprennent le tir à l'arc et plus la danse ou le piano.

A 35-36 ans elles deviennent des mères qui travaillent. Aux yeux de la psychiatre l'idéal est Marissa Mayer, la PDG de Yahoo qui pose enceinte, prête à accoucher. Elle met en avant son bébé sans montrer le père dans les bureaux de son entreprise. On peut quand même se demander si les femmes ne feraient pas davantage couple avec leur enfant qu'avec leur mari. Ce sont des Vierges à l'Enfant Jésus.

Mimi Bastille est manifestement sur une longueur d'onde différente. En 68 le mouvement féministe demandait des crèches et remettait en question la position des hommes, eux aussi prisonniers, mais d'une image de virilité. On est loin de l'image du matriarcat qui concerne les milieux très favorisés.

Déjà en 1970 elles étaient contre l'excision, se faisaient agresser à cause de leur position mais c'était avant la recrudescence des religions.

Faut-il une famille et des enfants pour être une femme épanouie ?

La psychiatre contourne la question en affirmant qu'on n'a pas à cacher son enfant. Mimi Bastille  souligne combien la planète est trop peuplée et s'érige contre ce modèle semblant dire : rassurez-nous, elle a quand même des enfants.

On ne luttait pas "contre" les hommes mais "pour" les femmes

Les hommes ont tout à gagner à avoir des compagnes libres. Elle regrette qu'on ait toujours besoin de dire qu'il y a un homme dans le coup. 

La psychiatre convient qu'il faut rester vigilante sur le retour de la religion qui va donner bien du travail aux féministes. La contraception et le droit à l'IVG ne sont pas forcément des acquis définitifs. Les religions régulent les interdits et les féministes ont encore (hélas) de beaux jours devant elles. Elle pense que le jour où les hommes disposeront de la contraception il y aura un rééquilibre.

Mimi Bastille s'inscrit en contre. Quand on a trouvé la pilule pour hommes on a focalisé sur les effets secondaires. Comme si la pilule n'avait pas d'effets secondaires pour les femmes ! il faut tout de même savoir que les hommes disposent d'un arsenal mais peu acceptent d'être opérés. Alors que les femmes oui.

La psychiatre est surprise que les jeunes femmes ne traitent plus les hommes comme leurs ainées. elles ont beaucoup d'exigence vis à vis d'elles-mêmes et de leurs partenaires. Il est difficile de les détacher de ces représentations idéales qui circulent sur les réseaux sociaux autour de l'amant exceptionnel, le working dad, gentil aussi ...

A coté de cette image idyllique Mimi Bastille souligne l'existence des tournantes dans les collèges, du machisme, de la permanence de comportements archaïques. On vit dans un monde très contrasté. On ne dit jamais d'un homme qu'il est autoritaire ... mais d'une femme ...

Une juriste intervient pour livrer une statistique. Certes le travail ménager masculin a augmenté mais il n'est que de 10minutes par jour en moyenne.

On observe la répétition des schémas de 10 ans en 10 ans. La femme n'est pas très forte en ce qui concerne le droit pour les femmes.

Un contexte européen favorable

Les associations de femmes allemandes n'ont rien obtenu. Elles s'arrêtent au premier enfant. Elles aimeraient s'appuyer sur l'expérience française. les acquis sont fragiles pourtant. Mimi Bastille voit une faille dans les nouveaux horaires des écoles. C'est une façon très subtile de ramener les femmes à la maison.
L'exposition In Situ se poursuit. Je suis retournée dans le Salon de Médiation pour constater qu'un nouveau collage était proposé aux visiteurs, toujours invités à ajouter un morceau de tissu pour faire avancer l'oeuvre collective.

Espace culturel Louis Vuitton, 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03
Site internet: http://www.louisvuitton-espaceculturel.com/
Ouvert du lundi au samedi, de 12h à 19h Le dimanche, de 11h à 19h
Accès libre

Retour à la Taverne de Ménil

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J'y étais allée déjeuner en septembre. Je suis revenue dîner dans cette Taverne du Ménil qui est toujours aussi chaleureuse avec une cuisine aussi délicieuse.

Mais cette fois je me suis attardée à discuter avec les propriétaires.

Deux frères avec leur papa en cuisine.

Une clientèle fidèle d'habitués apprécie l'endroit. Les portions sont généreuses et il est si rare de trouver une vraie cuisine familiale qu'il faut rendre hommage à l'équipe.

En entrée on peut considérer l'assortiment de mezze comme susceptible de rassasier deux personnes. Voici cette fois la version "froide". On remarque l'influence de la cuisine grecque, des feuilles de vigne farcies, selon la recette de la grand-mère. Il y a aussi du caviar d'aubergines, des tomates et oignons, du tarama, du taboulé libanais très riche en herbes, du yaourt.
Il existe son pendant "chaud" avec le Börek, un feuilleté au fromage, le Mücver, beignet de courgette sauce yaourt, le Kanat, manchon de poulet mariné, le Mititköfte, boulette de boeuf aux herbes.

En plat le choix est large.

Appelé Elinazik, le gigot d'agneau, purée d'aubergine, yaourt à l'ail est fondant à souhait. Une assiette de légumes accompagne tous les plats avec des frites, un dôme de boulgour, de la sauce tomate et des crudités. Le plat a été créé par le cuisinier qui officiait dans le restaurant que la famille possédait alors rue de Paradis en 1988. C'est lui qui l'a appelé ainsi. Il est donc vain de chercher la recette ... elle n'a jamais été publiée.
Incik, c'est une souris d'agneau, aubergines sauce poivron rouge.
Il y a aussi le Hozat, une viande de boeuf haché, sauce poivrons rouges farcie au fromage. La recette est dite "kurde de Turquie" par Adrien (à gauche sur la photo)
En dessert (si vous avez encore faim) le riz au lait à la cannelle est encore une spécialité de la maison.

Kurde, turque, grecque, libanaise, toutes les cuisines ont été revisitées. Les vins sont locaux, parfois surprenants, mais en parfait accord avec les plats. Quoiqu'on prenne, vin ou bière (avec modération) et quoiqu'on choisisse au menu on a l'assurance de manger frais et savoureux. L'été la terrasse est très agréable. En cas de mauvais temps l'ambiance est aussi sympathique en salle.
Pour prolonger l'ambiance lisez le livre de Corine Jamar, On dirait dit une femme couchée sur le dos.

La Taverne de Ménil
100, boulevard de Ménilmontant, 75020 Paris
01 43 66 25 39
Il n'existe pas de site dédié mais une page Facebook
Formule déjeuner en semaine : entrée/plat ou plat/dessert pour 11 euros.

Part-Time Friends, des chanteurs à plein temps à découvrir urgemment

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Vous ne connaissez pas le duo des Part-Time Friends ? Rassurez-vous c'est quasi normal. Sauf si vous habitez dans le XI° arrondissement. Parce qu'ils ont tout de même joué une dizaine de fois au Pop in (105, rue Amelot, 75011 Paris, 01 48 05 56 11), un de ces lieux branchés de la capitale où on peut faire des découvertes.

Ne prétendez pas les avoir vus tout seuls en concert. Ça ne leur est pas encore arrivé. Ce sera au Théâtre des étoiles le 12 Mars 2015. Ce sera leur "premier juste à eux concert"à nous. Ils sont corses, mais ils chantent en anglais. Alors, forcément les spécialistes font des allusions à une vague new-yorkaise folk pop.

Je trouve qu'ils ont l'âme rock. Ils l'affichent sur leurs bras, elle sur le droit, lui sur le gauche ... un croquis de l'Alaska que Pauline et Florent se sont fait tatouer ensemble pour scinder leur amitié à la vie à la mort… au moment de la sortie de leur vinyle "There are No Penguins in Alaska", le 20 Avril  2013 à l’occasion du Disquaire Day. Vous pourrez le trouver chez leur disquaire préféré, Ground Zero au 23, Rue Sainte-Marthe, 75010 Paris, 01 40 03 83 08.

Ces gens du Sud ne perdent pas le Nord. Ils ont l'enthousiasme communicatif. Il faut lire leurs posts sur Facebook, trop joyeux d'être les invités de Pascale Clark sur France Inter jeudi 27 novembre (hier !) de 21h à 23h dans l'émission A'Live, et d'y chanter bien sûr en direct comme le veut la règle de l'émission.

Ils ont signé sur Un Plan Simple, le label de l'ex chanteur de The Servant et leur EP Art Counter sortira le 1er Décembre 2014. Ils ont bien raison d'être hyper fiers d'être salués dans Les Inrockuptibles. Je me doute que ce billet ne les fera pas autant sauter de joie mais il leur fera sûrement plaisir parce que ce qu'ils visent c'est surtout la reconnaissance d'un public toujours plus large et surtout pas limité aux bobos. Avec 10 000 vues en une semaine pour le clip Art Counter ils commencent à être rassurés même s'ils ont du mal à rester sur terre tellement ils en sont heureux.

Je vous le fais écouter sinon vous allez imaginer que j'exagère :



Ils ont tourné sur la plage de Saint-Florent (en Corse !!!!), en live acoustique, ce Road Clip qui leur correspond : C’est pas joué, y’a pas d’artifices, ce n’est pas filmé avec des grosses caméras de cinéma. Juste par Théo Gosselin et Lucas Hauchard, deux types trop cools qui ont accepté de partir avec nous dans un endroit pleins de souvenirs, dans un endroit qui compte, en van des années 80 loué à un type qui en retape à Patrimonio.

Selon Pauline, il n’y a pas d’endroit plus beau et c’est un endroit qui nous tient à cœur à tous les deux. Comme je l'ai écrit plus haut, ils sont tous deux originaires de l’île de Beauté. Pauline vient de Saint-Florent, et Florent de Moriani. Par contre ils n’y ont jamais vécu. 

Cette fragile chanson d’amour transatlantique raconte les liens entre un garçon et une fille qui se retrouvent dans le même bar tous les ans. Le clip est conçu comme un carnet de voyages. Je vous en détache une feuille avec les paroles que vous venez d'entendre.
Théo Gosselin a aussi shooté la pochette sur cette même plage. J'ai eu l'album entre les mains. Il procure un plaisir régressif. D'abord parce que le CD ressemble à s'y méprendre à un de ces bons vieux microsillons qui ont accompagné les années 70 et qu'on peut dénicher chez Ground Zero.

Ensuite parce qu'il est furieusement bien équilibré. Entre Art Counter où la voix pure de Pauline s'accorde à merveille avec les accords de guitare de Florent, Home, Johnny Johnny et Keep on walking notre oreille est joliment chatouillée. C'est nouveau et familier à la fois. Quand je vous dis qu'il y a quelque chose des années 70 chez eux ...

Ce ne sont pas leurs tenues vestimentaires qui vont démentir cette impression. Chinées chez Hippy Market (21, rue du Temple, 75004 Paris, 09 62 24 69 09), par Pauline pour être stylée sur scène. Elle y achète tous ses pulls d’antan et est ravie d'y dénicher parfois une ou deux bonnes chemises bien vintage de papy qu'elle offre à Florent.

Ce qu'il faut surtout savoir des Part-Time Friends, c'est que ce sont Florent Biolchini et Pauline Lopez de Ayora.  Amis à temps partiel peut-être, mais chanteurs à plein temps désormais.

Autodidactes complets, ils ont un rapport intuitif aux harmonies comme à la langue de Shakespeare : la pratique de l'anglais coule de source. "Nos influences sont toutes anglophones" explique Florent. 

"Nos textes parlent d'amour, de blessures, de nos espoirs, de nos peurs... tous ces sujets profonds qui comptent, et qu'on essaie d'exprimer avec des mots simples – à commencer par notre amitié, très forte, mais aussi parfois conflictuelle." Cela justifie bien leur nom de scène. "On s'appelle pas les Part-Time Friends pour rien. Avec Florent, on s'engueule mille fois par an".

Leurs chansons fonctionnent selon leur propre analyse comme des petits pansements à l'âme

Dans le respect d'une tradition british en diable, l'EP a été enregistré au Pays de Galles, à Monmouth dans le célèbre studio Monnow Valley. Cette ville compte désormais aussi le tout jeune producteur Tom Manning, aux manettes de cet EP : avec lui, l'entente a été aussi fructueuse qu'immédiate. Ils ont en outre profité des arrangements de Ben Christophers (lequel, au-delà de ses propres albums solo, a permis à Bat for Lashes d'atteindre le succès que l'on sait).

Autour de ce noyau dur, le bassiste britannique Will Taylor et l'ami de longue date et multi-instrumentiste Clément Doumic (Feu ! Chatterton). Tour à tour aérienne, acoustique et abrasive, ou immédiate et sans contrainte, la musique de Part-Time Friends met en lumière un groupe riche de nombreuses facettes et que l'on va beaucoup entendre.
Cet EP "Art Counter" est en pré-commande sur : https://itunes.apple.com/fr/album/art-counter-ep/id931857384

Il sera téléchargeable en intégralité le 1er décembre mais la pré-commande vous permet d'avoir automatiquement notre single.

facebook.com/theparttimefriends
La photo des Part-Time friends est de Théo Gosselin

Quelques règles pour choisir et déguster un champagne

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J'ai profité du Salon du blog culinaire pour assister à une master-class sur le champagne dont l’objectif était de faire connaitre la diversité des champagnes.

Geoffrey Orban a commencé par rappeler que la région productrice s’étend sur une zone de 300 km sur 170 comprenant 5 départements, comptant presque 2000 récoltants manipulateurs et 319 crus. On imagine combien les différences de terroirs peuvent produire des vins très différents.

En une heure trente nous n'avons d'ailleurs abordé que les Blancs de Noirs, un vin blanc produit avec du raisin noir. Le terme opposé est le Blanc de blancs : un vin blanc produit avec du raisin blanc. 

En champagne, on utilise alors le pinot noir, le pinot meunier ou les deux en assemblage.

La Champagne se situe à 49 degrés de latitude Nord, donc dans une zone assez fraiche tout au long de l’année, ce qui donnera aux vins un coté élancé en fin de bouche.

Si ce sont des paysans qui font le champagne il faut comprendre que ce sont en fait de "petits jardiniers". En effet il existe 279 917 parcelles et une propriété est composée en moyenne de 12 à 25.

42% des vignes ont plus de trente ans. On peut estimer que ce sont de vieux ceps, qui donneront par contre davantage de précision sur les vins. La région bénéficie d’une influence océanique, qui promettra de belles récoltes, et d’une influence continentale, qui conditionnera des maturations lentes et précises en septembre, surtout s’il fait beau. 

En Champagne, tout est régi par le temps.

Plus le mûrissement sera lent, plus la teneur en sucre sera fixée. C’est le secret du pressurage champenois. Il faut ensuite faire vieillir le vin assez longtemps, ni trop ni pas assez. La recherche de cohésion va de pair avec l‘élégance, les bulles fines étant un signe de raffinement.

Toutes les vignes sont cultivées sur des coteaux. On dénombre trois zones de sédimentation plutôt marine, ce qui génère une grande diversité de goûts. Ces trois zones de relief constituent la Cote des Bars (Aube), la Cote de Champagne, où commence la craie et la Cote de l’Ile-de-France.

Il serait donc faux de croire qu’en Champagne il n’y a que de la craie.

Geoffrey conseille de sillonner les vignes en automne, à pieds, à vélo ou en roulotte, d’amener sa bouteille réfrigérée et quelques tapas pour faire une pause gustative entre les ceps.

La Marne est caractérisée par des paysages extraordinaires. Son cépage Meunier garantit la gourmandise.

L’Aube ressemble au Chablisien, avec des coteaux pentus et des villages enfoncés. Il y fait plus de 60° dans le feuillage l’été, et moins 13 en hiver. C’est là que pousse le Pinot noir, pour donner les champagnes les plus puissants.

Le Pinot Noir est un cépage qui propose une pellicule noire, et un jus blanc, donc un Blanc de noir. Il ne faut pas trop presser la peau pour ne pas pigmenter le jus, ce qui réclame un savoir-faire particulier. Il apporte du tanin et de la structure. Sur les sables du Nord de Reims le vin a des saveurs de pamplemousse, sur la craie un coté quetsche, cassis et poivre noir, et enfin sur l’argile plus de densité, des arômes de fruits noirs et beaucoup de mâche.

Dans l’Aube on remarquera des vins plus tanniques et épicés. Le Meunier apporte de la rondeur, du fruit, de la gourmandise.

Sur le sable on trouvera des notes de mandarine. Sur la craie des notes d’orange, de pêche. Sur l’argile des notes de fruits très mûrs, tropicaux, de mangue. Ce sont toujours des Blancs de noirs.

Le Chardonnay possède une pellicule jaune, un jus blanc. Il donne des Blancs de blancs. C’est le cépage de la fraicheur, de l’acidité, des agrumes. Sur le sable il sera très floral, avec des arômes de pêche et de fruits à coque.

On a finalement 8 cépages en Champagne et non 3 car il y a des variantes. Mais on pratique surtout l’assemblage entre parcelles, surtout si on veut 15 000 bouteilles de Pinot noir. Un seul cépage dans la bouteille ne signifie d’ailleurs pas nécessairement qu’il n’y a pas eu d’assemblage.

Le Meunier a été planté en zones fraiches. Son cycle de croissance est plutôt court. Il est précieux si on craint les gelées printanières. Il est donc idéal en fond de vallée.

Le Pinot noir est plus à l’aise sur les sols crayeux ou argileux où on ne pourra pas faire pousser le Chardonnay qui a besoin de sols infiltrant bien l’eau. On le trouve au Nord de la Marne, un peu dans l’Aisne, et dans le sud de la Cote des Bars.

Après il existe encore des nuances selon que l’on choisit un BSA, un Brut sans année (millésimé), un Champagne Tradition, ou Réserve ou Cuvée spéciale, ou encore Prestige.

Les règles d'accords mets-vins

Le plus compliqué va être de marier le champagne avec des plats sucrés ou très sucrés. Il s’agira  aussi de comprendre comment on intègre les bulles et l’acidité dans la création d’un accord mets et vin.

L’aliment doit être mâché en bouche pour le déstructurer et permettre l’incorporation du gaz, de l’acidité et des minéraux de la boisson. La salive le rendra goûteux et développera la sapidité. Pour résumer on absorbe le vin en mâchant sans avaler. Le Champagne dégraisse le mets par ses bulles.

Il n’y a pas de règles dans le principe des harmonies culinaire, juste du bon sens. De la même manière qu’on servira un plat léger avant un plat puissant, on choisira un vin léger avant un vin plus puissant. Le but est de faire des ruptures de saturation pour le palais.

En effet pour "nettoyer" le palais il faut saliver, donc ramener de l’acidité. Par exemple avec une eau citronnée, un sorbet agrumes (avec les zestes) présenté dans une verrine. Puis un verre d’eau et on peut poursuivre. L’avantage d’un repas complet au champagne est de pouvoir zapper ces ruptures.

Si on s’attache à la composition d’un plat on suivra le schéma suivant : Ce sont souvent les garnitures qui créent l’accord. Il faut à ce sujet faire travailler sa mémoire sensorielle. Et soigner les harmonies de couleurs.
La structure de base d’un champagne est composée :
  • D’une acidité, résultant du climat, et du millésime
  • D’une effervescence, consécutive à une pression qui peut varier entre 6 et 4,5 bars, cette dernière caractérisant une demi-mousse et une crémosité plus importante, très gastronomique.
  • D’une minéralité, en lien avec les sols.
  • Ensuite, mais de manière moins prégnante, ce seront l’assemblage et les pratiques œnologiques qui feront la différence.

La réaction se fixe sous la mâchoire avec des vins issus de sols de sable. La craie donne de la résonance. L’argile promet de la gourmandise en milieu de bouche. Dans l’Aube la mâche est très forte de l’attaque à la finale.

Le contraste du tannique est apporté en cuisine par le moelleux. Par exemple les tannins équilibreront le coté grillé de la viande.

Quelques éléments sont facteurs d'harmonie :
  • Ce qui est croustillant et craquant comme le grillé d'une volaille, des feuilles de brick, de la pâte feuilletée, du parmesan ... à l'inverse du pain de mie (ce qui explique que l'on serve de préférence le foie gras sur une tranche grillée)
  • Ce qui est fondant, car permettra aux bulles de passer à l'intérieur. Il faut donc éviter les plats qui se mâchent longtemps car le pétillant sera alors parti.
  • Par contre on limitera le sucre au dessert car le champagne s'accorde mal avec un plat très sucré.

Pour juger un accord mets-vin :

Le geste est à mémoriser : le verre est incliné tandis que la bouteille est tenue à l'horizontale. On emploie bien sûr une flute qui se tient par le pied.

On prend une bouchée. On absorbe alors un peu de champagne. On laisse macérer en bouche trois à quatre secondes. On laisse filer.

Certes, l'art culinaire français impose de ne pas parler la bouche pleine mais il n'est pas interdit de "barboter".

Un vin vif et frais sera servi à 7-9°. Il sera équilibré à 9-10, ample entre 10 et 12. On dira alors qu'il a de la mâche. il faut savoir que plus on sert frais plus on rehausse l'acidité et plus on augmente la sensation de bulles. On interfère alors avec le gout et l'odorat car le cerveau privilégie toujours la sensation du toucher.

Dégustation de quatre cuvées :
Nous dégusterons successivement quatre crus (de gauche à droite sur la photo)

1- Le premier vin est récolté par Laurent Lequart un 100% Meunier, issu des sols très argileux du terroir de Passy-Grigny. Il s'agit d'une cuvée Prestige vinifiée en fûts de chêne. Puissant, élégant, charpenté et charnu, ce vin révèle au nez des arômes de fruits jaunes, des flaveurs de vanille et de cannelle.

Geoffrey Orban décrit la dégustation en ces termes : Ça colle; le vin s'accroche en haut du palais mais on a de la rondeur, ça patine. C'est typé, aspect un peu caramel, vanillé, coté pêche très caractéristique du secteur.

A hauteur de l'oeil on remarque un train de bulles assez léger, rapide, et une belle couronne de bulles quand on regarde la surface du liquide, d'un jaune soutenu, avec des reflets jaune de paille traduisant déjà une évolution.

On juge de sa densité en faisant tourner un arceau circulaire.

Au nez on note des arômes boisés d'épices douces, de cumin, de muscade, orange sanguine, pêche, miel, coté un peu zeste d'agrumes confits. On partira sur un foie gras au poivre de Setchuan.

A la deuxième gorgée on sent la mâche. C'est l'argile qu'on a dans le palais. C'est gras, avec tout de même une acidité en fin de bouche. On peut aller chercher la volaille, le veau, des légumes anciens, un sabayon de fruits exotiques anisés.

2- Le champagne G. Tribaut, récoltant manipulateur à Hautvillers est tout le contraire. le vignoble pousse sur la craie. Les bulles montent très vite en feu d'artifice léger, composant une belle collerette.

De couleur jaune paille, presque argentée, trahissant sa jeunesse. En le faisant tourner on voit se déployer un arceau fin.

Au nez il est très léger, mais a davantage de densité, ce qui est caractéristique d'un sol de sable ou de craie. On remarque des odeurs d'amande, de fruits noirs mais frais, un coté poivré, quelques petites nuances florales, de rose fanée ou de pivoines.

On mache la bouche vide. La craie s'est déposée sur la langue, laisant l'empreinte tactile minérale du vin.

On pense à des crustacés, une base de poisson, un filet de bar, farci d'écrevisses sauce crémée à la violette, un peu de safran, des Saint Jacques, des encornets. On peut jouer la grenade, le pigeonneau, la viande qui se découpe au couteau, farcie d'airelles ou servie avec un chou rouge.

3- Extra Brut d'Eric Rodez, d'Ambonnay, sur la Montagne de Reims, partie sommitale boisée. Ici c'est un sol de craie riche en magnésium. Les bulles sont plus grosses, occupant toute la surface. L'amertume peut être pharaonique.

Eric Rodez est un grand personnage. La robe est jaune doré. Arceau fin, gouttelettes très fines. Léger au nez, le vin témoigne qu'on est sur le sable. La craie grasse sent le caillou humide, avec des notes épicées très nuancées, de cerise, des nuances anisées.

Beaucoup de rondeur au palais. Si on mâche la bouche vide on salive énormément, ce qui est typique d'Ambonnay.

On peut aller vers des sauces plus puissantes et relevées, un joli caviar jeune français, un poisson à chair ferme comme la daurade, un gibier d'eau, une aiguillette de canard, un carré d'agneau thym citron, pommes de terre vitelotte, un fromage de Cantal, un saint-nectaire, un Chaource  (crémeux, coeur crayeux). Le conseil de Geoffrey est d'enlever la croute, de fouetter la pâte dans un cul de poule en apportant de l'air et de servir en quenelle avec un grappillon de grenade fraiche. Estragon, coriandre, aneth, toutes les herbes anisés conviendront.
4- On part enfin dans le sud de la Champagne, sur la Cote des Bars. Didier Goussard, à Les Riceys, cru magnifique de l'Aube, très typé propose une bouteille de forme originale. Les coteaux sont très pentus, avec des cailloux gris, des marnes calcaires un peu fumés.

C'est un des champagnes potentiellement les plus puissants. Le train de bulles est assez rapide, la collerette délicate. La couleur jaune en périphérie pointe de l'évolution. L'arceau est très fin. les larmes ont du mal à pointer.

On le prend au nez : il est dense, sent le calcaire fumé avant de sentir le fruit. Coté fumé, poivré, pomme, quetsche, très iodé, avec un coté terrien très fort qui arrive presque sur le cacao.

Il y a de la mâche, de l'attaque en bouche à la fin. Il est très racé, avec un peu d'acidité et des nuances salines.

Il lui faudra une cuisine moelleuse, un Epoisses affiné, une bavette d'aloyau échalotes réduites, purée fine de légumes anciens, un vinaigre balsamique, des cèpes, une coque craquante au chocolat noir, des myrtilles fraiches dans une mousse au chocolat au lait.

En conclusion ... il faudra gouter plusieurs fois, avec modération certes, pour avoir une opinion tranchée. Chacun présente des caractéristiques intéressantes. Mais ce qui reste acquis c'est le processus de dégustation impliquant d'abord la vue, puis l'odorat et enfin le goût.

Chez Eric Kayser tout est prêt pour Noël et au-delà

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Les pâtissiers s’affairent à la production des bûches. La saison est de courte durée, très exactement du 18 au 25 décembre. A partir du 26 décembre il n’y aura plus de demande. Eric Kayser est surpris par cette flambée alors que, comparativement, la galette des rois jouit d’une forte longévité. Grosso modo du 15 décembre à début février.

C’est que la mode est aux bavaroises et aux entremets qui doivent être conservés au froid. Toute son équipe angoisse en surveillant la météo parce que les clients ne songeront pas toujours à réserver de la place dans leur frigo pour le dessert.  Gare à l'effondrement du produit en cas de douceur météorologique.

On ne peut servir la buche que sur une assiette. La galette, à l’inverse se mangera assis aussi bien que debout.

C’est un moment convivial de partage en famille, entre copains ou collègues. Même si l’enjeu est dérisoire cette pâtisserie joue sur le suspens : qui sera roi ou reine cette fois ci ? Alors on en achète volontiers plusieurs à la suite.

Le croustillant de la pâte feuilletée est lui aussi une valeur sûre. Sans parler des collectionneurs de fèves … Rien d’étonnant à ce qu’Eric Kayser ait particulièrement réfléchi à la galette qu’il allait proposer cette année. Il a été très inspiré par le citron de Menton. Je crois sincèrement n’avoir jamais mangé de galette aussi gourmande. Je me suis tellement régalée que j'en ai oublié de prendre une photo.

Les chefs martèlent le nouveau credo sur les produits de saison. L’injonction est arrivée en pâtisserie. Eric fait partie de ces artisans qui collent leur activité au calendrier. Tout est conçu en fonction des saisons …  et des fêtes.

On trouve donc la tarte aux quetsches en septembre dans ses boutiques, vite suivie de sa sœur aux mirabelles. En ce moment c’est le Stollen et le pain d’épices, exactement comme le faisait son arrière grand-mère, pas trop riche, avec une juste proportion de fruits. Vous allez pleurer prédit-il.


C’est effectivement une révélation et je ne suis pas surprise d’apprendre que des personnes n’aimant pas le pain d’épices adorent le sien. Il est très anisé, avec un subtil parfum de girofle, des fruits secs et de gros fruits moelleux. La fermentation est totalement naturelle, ce qui donne un gâteau finement alvéolé. On est loin du pain aux fruits confits qui colle aux dents.
Sacrifiant à la mode de chercher le meilleur accord entre mets et boisson je me suis arrêtée sur le thé La Moukère de Sidi Kaouki d’Olivier Scala de la maison Georges Cannon, rue Notre dame des Champs. Si vous l’infusez trois minutes à la juste température je vous garantis un excellent moment.

Et si le kouglof est présent à longueur d’année c’est juste parce que le pâtissier reste fidèle à ses racines alsaciennes. La recette d’origine, si agréable au petit-déjeuner, et pas la version moderne aux lardons et champignons qui n’est pas très convaincante.
Il a imposé quelques spécialités alsaciennes comme le Stollen et le bretzel (pas dans toutes ses boulangeries) ou la Linzertorte. Et puis le Schneck (escargot en alsacien), une sorte de pain aux raisins secs brioché et fourré de crème pâtissière typique de l’Alsace du sud. Bientôt l’agneau de Pâques sous forme de cake limoné.
Dans le domaine du pain la création est au moins aussi dynamique. La saisonnalité a son importance. En ce moment c’est le pain aux marrons qui a la vedette. Il s’accorde parfaitement avec un foie gras. Mais il est merveilleux nature. Il se situe à mi-chemin entre pain brioché et pain spécial, légèrement sucré, avec des brisures de marron glacé. Je l’ai apprécié avec un velouté de légumes au potiron.

On imagine difficilement qu’Eric n’aime pas les marrons. Il est malgré tout en train de réfléchir à une recette de Mont Blanc. Et des quatre buches qui sont déjà à la carte c’est la version aux marrons qui a ma préférence (je n’ai pas gouté celle qui est au café), juste devant la version citron.
Il m’a confié que ce qu’il voudrait faire ce serait plutôt une buche classique, avec une crème au beurre parfumée au café, roulée comme autrefois. C’était mon choix pour Noël 2013. Je vous en redonne la recette même si elle a davantage été appréciée par les moins jeunes de mes invités. Esthétiquement il n’y pas au-dessus. On s’amuse réellement à décorer ce type de bûche.

Pour cette année, il y aura donc chez Eric Kayser une buche au citron meringuée.
Biscuit breton, mousse de lait, crème citron, biscuit cuillère, mousse citron, meringue italienne brûlée au chalumeau.
La bûche framboise hibiscus : mousse framboise hibiscus, biscuit cuillère, mousse mascarpone.
La bûche aux marrons, mousse légère aux marrons, biscuit moelleux au chocolat, délicieux marrons glacés.
Et puis la bûche biscuit chocolat, mousse chocolat, crème brûlée à la vanille Bourbon de Madagascar.

Eric a ouvert sa première boulangerie à Paris au 8 rue Monge, tout près de la Mutualité. On y trouvait du pain, des tartes, de la viennoiserie, des sandwichs.

La deuxième a vite suivi en prenant une orientation bio. La troisième s’est dotée d’un restaurant boulevard Malesherbes. C’était il y a 12 ans.
Il y a désormais 21 boutiques en région parisienne, et plusieurs en région avec Lyon, Lille Flandres, Menton (ils vont devenir fous en découvrant la galette des rois). Bordeaux ouvrira l’an prochain.

Il s’implante aussi à l’étranger, avec notamment 4 boulangeries à New York. Il est présent au Mexique, au Cambodge. Cela exige un certain sens de l’adaptation.

Eric s’est levé à 4 heures du matin. Il est encore disponible ce soir. Il met toujours régulièrement la main à la pâte et veut rester accessible.  Il est à Paris la moitié de son temps et voyage beaucoup. Malgré une telle disponibilité on peut se demander comment il fait pour garantir une qualité produit uniforme partout. Par des réunions régulières, d’excellents chefs dans chaque endroit et un lien étroit entretenu via Internet (dont on n’imagine pas à quel point cela a révolutionné la manière de travailler). Les recettes sont envoyées toutes les deux semaines.

Il nourrit le projet de travailler en étant tourné toujours plus sur la nature, la tradition, tout ce qui fait les fondamentaux, dans le respect des saisons.

Le choix des matières premières est crucial. Il faut prendre des farines sans produits chimiques ajoutés, une eau filtrée, très peu de levure ou de levain. Respecter les temps de fermentation préconisés dans les recettes.

La tourte de pain au levain est faite à l’ancienne avec de la farine de meule, du gros sel de Guérande, de l’eau filtrée, du levain naturel.

Les pains sont pétris et cuits sur place. Nos avis divergent un point. Il me semble que les grands classiques, comme la tourte de meule n’ont pas exactement le même goût dans chaque boulangerie. Cette différence fait le charme, me dit une cliente, et cela confirme la dimension artisanale de l’entreprise.
Il existe de plus un pain signature spécifique dans chacune. Ici, au Palais-royal, c’est le Mona Lisa, huile d’olive, farine de semoule et blé dur. Egalement le très gros Scapain de 4 kilos, farine de froment, eau, levain, 36 heures de fermentation.
La baguette Monge n’est cuite que rue Monge.
La baguette Eternelle à Ternes. Derrière le jeu de mots se cache un ajout de germes de blé riches en oligo-éléments
Le Carré Vendôme rue Casanova
Le pain de mie à Duroc où un meuble spécial lui est dédié.
Le pain sans gluten rue de l'Echelle
Ajoutez le pain du mois et vous aurez une idée du renouvellement de la carte, avec le plaisir que procure au consommateur l’arrivée du mois de décembre car il sait qu’il va retrouver le pain aux marrons.
Sans oublier les classiques indémodables comme le pain au curcuma, à la mie très jaune, enrichi de noisettes entières et de noix. Idéal avec le saumon fumé et les fromages.

... car si la saison des bûches est courte, celle du pain est intemporelle !

Connaissez-vous Le Big Livre de L'Incroyable ?

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L'édition du Big Livre de L'Incroyable 2015 est sortie. Je l'ai feuilletée et j'en suis restée ... scotchée.

Le contenu des 256 pages est encore une fois 100 % inédit.

À l’origine de ce livre, on retrouve le célèbre Robert Ripley (1893-1949). Créateur américain de la rubrique Believe it or not! (Incroyable mais vrai !) du New York Globe, il a sillonné la planète à la recherche de faits hors du commun et a visité 201 pays !

En 1918, étant donné les moyens de l'époque, sa détermination révéla un esprit de pionnier tout aussi extraordinaire que celui des explorateurs intrépides. Avec élégance, en nœud papillon, chaussures à guêtres, Ripley a voyagé en Arménie, au Tibet, en Papouasie, son objectif étant de découvrir les merveilles et bizarreries du monde, ses miracles et ses monstruosités, et de les publier sous forme de dessins qu'il publiait dans le New York Globe.

Aujourd’hui, plus d'un million d’exemplaires du Big Livre sont vendus chaque année dans le monde. Ripley, qui édite ce livre et exploite 32 musées de Los Angeles à Londres, est une institution aussi populaire aux États-Unis que Disney !

La 8e édition est décapante… Elle existe désormais en numérique…A avec de nombreux bonus video grâce à l’appli gratuite.

Alors si vous êtes amateurs d’histoires incroyables et de photos inimaginables, cette édition provoquera des oh et des ah en pagaille. Les photos sont déjantées et les histoires surprenantes. Et pourtant tout est vrai.

Une fois qu'on a osé l'ouvrir (en surmontant une certaine appréhension) on va de surprise en surprise. Des sœurs Sangli, trois indiennes aux visages couverts d'une épaisse pilosité, à James Morris pouvant étirer sa peau à plus de 46 cm de son corps, des forêts de pierre de Madagascar au boxeur français Maurice Tillet dont l’étonnant visage inspirera celui de Shrek en passant par l'enfant homard de Pittsburgh, ... toutes ces personnes démontre que "tout au monde existe".

Prouesses humaines ou naturelles, les faits représentés sont incroyables… mais absolument authentiques ! Il faudra tout de même que les lecteurs de cette 8e édition aient le cœur bien accroché, ... au sapin ou dans les étoiles.

Le Big Livre de L'Incroyable 2015
Aux éditions de L'Archipel

Mad in Finland

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La création de Mad in Finland ne date pas d'hier. Voilà plus de deux ans que les sept artistes de la troupe font voyager leur public au rythme de leurs étapes.

Elles ont débarqué leur univers sur l'Espace cirque d'Antony (92) le samedi 39 novembre et y resteront jusqu'au 21 décembre. Ensuite ce seront aux habitants d'Elbeuf (76), de Bègles (33) et de Quimper (29) de profiter de leur visite.
Nous n'avons peut-être pas la visite du (vrai) père Noël avec son traineau et ses rennes mais nous avons celle des habitantes de son pays (supposé) de résidence. Elles valent bien le bonhomme. Ne serait-ce que dans la scène finale des bucheronnes.
Pour commencer vous serez invités à passer la douane pour rejoindre leur campement bordé de sapins. L'ambiance est installée. Il est rare qu'un ouvreur se permette d'influencer un spectateur mais, me voyant prendre une photo, le pseudo-douanier ne peut s'empêcher de me dire que c'est très bien.

De fait, je peux dire que j'ai beaucoup aimé les performances de la bande de nanas qui ont en commun d’être femmes, circassiennes,  bien entendu finlandaises, et d’avoir toutes quitté leur pays pour vivre de leur passion du cirque.
Il se peut que vous aperceviez une de ces demoiselles en pleine séance de sauna. Si vous avez loupé ce moment, rassurez-vous la roulotte dédiée à cette activité emblématique de leur pays sera toutes portes ouvertes après le spectacle.

On m'avait mise en garde : ce sera tout noir, impossible de prendre une photo à l'intérieur. Ce n'est pas tout à fait cela. Il est vrai que le spectacle se déroule sous une nuit polaire, traversée par une étoile filante, qui effectue des prouesses sur un trapèze ballant. Vous ne perdrez rien des instants critiques car elle hurle "valo" au moment opportun et vous comprendrez vite qu'elle réclame la lumière, ce que ses petites camarades s'empressent d'allumer au bout d'une poursuite.
Suivra un pique-nique en forêt sous un vent rugissant troublé par deux zygototes qui joueront les chauve-souris.

Deux groupes s'affrontent en se lançant des défis. Vous ne comprendrez pas tout et vous commencerez à pester qu'elles s'expriment dans leur langue, finlandais ou finnois, je ne trancherai pas.

Les numéros s'enchainent avec virtuosité et humour. Elles savent tout faire, même un strip-tease sur rola-bola qui change de ce que la télévision ressort en période de fêtes de fin d'année, vous savez avec ces créatures (sublimes) du Crazy Horse qui tapent du pied en défilant ... Ici on admirera aussi les muscles.

Vous les verrez en chaussettes et bonnets autant qu'en robe de bal.

Elles sont artistes de cirque, sans aucun doute, mais aussi musiciennes et chanteuses. Elles se hissent au niveau d'un Léon Zitrone ou d'un Thierry Roland quand il s'agit de prendre le micro pour commenter une rencontre olympique... dans un parfait français, avec juste une pointe d'accent qui résonne avec exotisme.

Elles nous montrent un pays que l'on connait très peu. Elles le font avec une force de caractère impressionnante. Est-ce le climat qui forge le caractère ou y-a-t-il d'autres réponses à trouver ? En tout cas elles ont beaucoup d'humour et des sourires à revendre. Il se pourrait que vous ayez envie de descendre sur la piste pour danser dans leurs bras ou d'apprendre leur langue pour supplier avec elles Ne me quitte pas.
Leur spectacle parle aussi du cirque, parce que c’est leur choix de vie et leur engagement, celui de l’itinérance, du chapiteau, des théâtres, des cabarets, des projets à l'autre bout du monde et des numéros poussés au plus haut niveau, au trapèze, fil ou tissu aérien, comme en main à main.
C'est beau. C'est tendre. C'est rock tendance heavy metal aussi.
C'est fou. C'est fort et elles méritent d'être toutes citées :
Elice Abonce Muhonen (trapèze ballant, basse électrique, batterie, chant)
Mirja Jauhiainen (trapèze, violoncelle, basse électrique, chant)
Sanna Kopra (trapèze, bruitage, chant)
Stina Kopra (main à main, rola-bola, batterie, chant)
Heini Koskinen (tissu, violon, chant) ou Viivi Roiha (corde lisse, chant)
Sanja Kosonen ou Ulla Tikka (fil, guitare, chant)
Lotta Paavilainen (main à main, rola-bola, mélodica, chant)
L'Espace cirque fêtera ses dix ans en leur compagnie le 20 décembre. J'espère que vous serez de la partie. D'autant que des sacs et trousses réalisées avec les bâches de cirque seront exceptionnellement mis en vente ce jour-là à partir de 19 heures. Evidemment que des pièces uniques, collector si vous préférez.
Vous ne vous en souvenez peut-être pas, moi oui même si le blog est né bien après. C'est en 2004, sur un terrain vague, que l’Espace Cirque a démarré à Antony. Christophe Raynaud de Lage n'a jamais cessé d'immortaliser les moments les plus forts.

Un livre, publié aux Editions Loubatières, retrace le parcours des dix premières années, autour de ses clichés et du collectage, par Dominique Duthuit, des paroles multiples de ceux qui ont fait vivre ce lieu de création.

L'ouvrage témoigne de cette aventure humaine, artistique et culturelle qui tisse des liens toujours plus forts entre l’art et la vie. Il est en vente aux accueils du Théâtre et de l’Espace Cirque.
Que d'évolution depuis la petite roulotte.
Jusqu'au 11 janvier, une exposition d'une soixantaine de clichés à la Maison des arts d'Antony apporte un contre-point en retraçant le travail du photographe sur d'autres chapiteaux de cirque dans différents pays du monde.

Mad in Finland, une production Association Galapiat Cirque (dont vous avez peut-être vu, dans un style très différent, Risque Zéro) à l'Espace Cirque d'Antony, rue Georges Suant, 92160.
Tel : 01 41 87 20 84  Durée 1h 15 – tout public à partir de 5 ans
Jusqu'au 21 décembre2014 à Antony (92)
Du 15 au 18 janvier 2015 à Elbeuf (76)
Du 23 au 29 janvier à Bègles (33)
Du 4 au 6 février à Quimper (29)

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de ©Sébastien Armengol

Rencontre avec Mailys de Kerangal

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Je ne m'inscris pas dans la famille des auteurs qui tout petits déjà savaient qu'ils allaient suivre le chemin d'écrivain. Ce sont des mouvements mystérieux qui poussent à écrire. J'étais une adolescente très dispersée. Ce qui me revient c'est que toujours la question des textes, d'études littéraires. Je viens d'une famille où on lisait.
Maylis de Kerangal a travaillé dans l'édition. Il ne s'agissait pas de romans mais de guides de voyage qu'elle commandait, qu'elle pouvait même réécrire. Mais en ne songeant alors pas du tout à la fiction, sauf à un moment d'éloignement, aux Etats-Unis, où il s'est trouvé qu'elle a eu alors du temps disponible : J'ai eu à la fois un lieu et un temps pour écrire. Ce fut conjoncturel. On mesure mal combien l'écriture est contrainte par des conditions de lieu et d'espace.

L'auteur de l'immense succès que fut Réparer les vivants est venue ce matin à la médiathèque d'Antony (92) à la rencontre de lecteurs à qui elle a raconté son parcours avec beaucoup de franchise : Je n'ai pas eu la vocation, de vocare, qui signifie tu seras.

Elle est revenue sur les conditions qui lui ont permis d'écrire un premier livre qui prenait en charge ce moment où on allait faire des parcours, rencontrer des gens pour en résorber les histoires, parfois dans un genre quasi encyclopédique.

L'écriture ne va pas de soi

Ecrire sur une table, retranchée, en se dissociant du monde. Ce fait d'être à l'intérieur dans un temps fixé c'était compliqué. Mais depuis ce premier livre il y a 17-18 ans aujourd'hui je n'ai plus jamais cessé d'écrire.

Je suis devenue écrivain livre après livre

Les choses étaient complexes. Je me situe davantage dans le devenir. J'ai ressenti une telle intensité au cours de l'écriture de ce premier texte que je n'ai jamais voulu cesser de retrouver cet état là.

Après les plongeurs à Marseille, le rapport à l'adolescence, le travail sur les trajectoires collectives cela se tisse dans le tissu de la vie qui convoque des matériaux. C'est dans le langage que se tisse pour moi quelque chose de cohérent entre les textes.

Je n'avais pas les solutions pour écrire Naissance d'un pont (Verticales 2012) 
J'y ai pensé longtemps. Je l'ai pourtant réellement écrit en 8/9 mois mais ce livre a occupé 5 ans de ma vie. Ce fut un livre compliqué pour moi. Je suis passée par Dans les Rapides Naïve, 2007), et Corniche Kennedy (Verticales, 2088).
Les lecteurs peuvent s'en saisir et les lire comme ils veulent, mais chaque livre contient le précédent et appelle le suivant. C'est parfois juste un élan, une prise de conscience, une jubilation qui vous porte, parfois des trucs techniques. En terme de conjugaison, l'emploi du présent fait durer l'éternité du moment. On expérimente.
Pour elle tout se tisse dans le langage. Le présent est le temps de l'instant, mais aussi celui de l'éternité. Il suffit de transposer un passage du présent au passé pour découvrir combien le présent de cet auteur recèle de temps différents.

On y décèle aussi une fascination pour les oiseaux, et surtout qu'un tout petit oiseau puisse bloquer la construction d'un pont. C'est le rapport de forces entre l'infiniment léger et et une entreprise industrielle qui est dans le massif et le pérenne. J'aime son coté un peu foutraque avouera-t-elle.

Mes livres sont presque "chainés"

Je créé souvent des rappels sans me situer dans l'inconscient. Cela peut être des signes explicites par exemple à Corniche Kennedy avec le saut de deux jeunes hommes.

Elle est née en bord de mer. Elle a vécu 18 ans au Havre. Sa famille travaille dans la marine marchande ou la médecine marine. Ses frères font du surf. Corniche Kennedy est un livre de rivage. Naissance d'un pont est lié aussi avec ce milieu, évidemment et le début du dernier se situe au Havre, justement. Mailys dit entretenir moins de liens avec la mer qu'avec l'horizon, soulignant au passage que la vague est l'onde de paix du coeur.

Une écriture très musicale

Si on dit à Maylis de Kerangal que ses romans sont structurés comme des partitions elle explique qu'elle vit l'écriture comme une vibration, une pulsion, un rythme qui s'étire. Ses phrases se déploient. C'est une expérience du corps, celle de l'émotion au moment où elle écrit et qui entre en corrélation entre la manière dont le corps filtre la phrase. Elle écoute de la musique sans être musicienne et estime d'ailleurs sa culture musicale très pauvre.

En revanche elle manifeste un très grand intérêt pour l'oralité dans son travail. La lecture à voix haute lui permet de stabiliser chaque phrase qui peut parfois être polyphonique. Elle en a fait une méthode de travail dès le premier texte. Et elle lit ses textes d'une voix très juste. Rien d'étonnant à ce que Gallimard l'ait sollicitée pour enregistrer elle-même le livre en texte lu.

Elle reconnait ne pas avoir peur du lyrisme qui entraine des transferts qui la touchent. Il convient tout de même de dissocier cette dimension  de celle de l'oralité.

Des romans de trajectoire

Je connais l'arrivée quand je commence à les écrire, dit-elle d'une voix qui se brise (comme quoi la parole ne lui est pas si facile ...). Tout est très lié aux personnages, à leur métier. Il peut s'agir de terminer le tablier d'un pont, d'acheminer un organe en suivant la migration d'un coeur d'un jeune surfeur dans le corps d'une femme plus âgée, Claire, traductrice vivant à Paris.

Dans ce dernier livre le principe était d'organiser une espèce de relai faisant surgir les personnages dans l'exercice de leur profession.

L'auteur ne concentre jamais l'essentiel du texte sur un personnage principal qui soit unique, qui catalyserait l'action et siphonnerait tout le texte comme, à titre d'exemple, Fabrice dans la Chartreuse de Parme. Tout y est filtré par son rapport au monde. Au contraire ce sont des collectifs de personnages qu'elle imagine, ce qui règle par voie de conséquence sa propre désignation dans le roman.

Toutefois les personnages n'existent pas tant qu'ils n'ont pas de nom propre. Ceux-ci sont très étudiés. Tout serait différent s'ils étaient désignés par un pronom, il ou elle, des initiales, la simple mention "l'homme" ou le nom de leur métier, par exemple l'anesthésiste ... C'est très différent du procédé de Marguerite Duras qui les vide de leur identité.

Maylis de Kerangal affirme avoir une vision très simple : le nom incarne une vitesse, un corps. Elle passe beaucoup de temps à les silhouetter au début de l'écriture tout en ayant conscience qu'il s'agit là de quelque chose de très abusif, inhérent à l'aspect démiurgique de l'écriture.

Dans Corniche Kennedy les ados n'ont pas de nom de famille. Ils sont dans l'immanence du temps. Le commissaire, Sylvestre Opéra se dresse face à eux, émergeant de la forêt.

Les noms portent l'histoire. Dans Réparer les vivants, (Verticales 2014), chaque personnage apparait puis sa présence s'évanouit alors que le pinceau lumineux éclaire un autre personnage. On perd ainsi un peu les parents sur la fin. Le surfeur en état de mort cérébrale s'appelle Simon Limbres, presque limbes, à une lettre près. Le coordinateur est Thomas Rémige, mot désignant  les grandes plumes des ailes d’un oiseau, celles qui le maintiennent dans les airs. Il est assisté de l’infirmière Cordélia Owl. Son prénom vient du latin cor, cordis qui signifie cœur et son nom, Owl signifie hibou, en anglais, référence aussi à Shakespeare et à la tragédie. Autre oiseau de nuit pour la dynastie de médecins, les Harfang (la chouette Harfang est un grand rapace) dont un des membres pratiquera la transplantation. L'idée de recommencer à voler est une promesse sous-jacente, sorte de résurrection.

Ils composent un collectif de personnages qui masquent l'auteur en lui permettant d'être diffractée. Sans être crypté il existe un champ lexical autour des noms propres alors que à première vue le nom n'a qu'une fonction de désignation et ne fait pas sens. Ce sont des mots étanches à la phrase mais qui diffusent énormément de matière et de lumière, faisant monter le poème dans le texte. L'auteur reconnait ne pas organiser les rebours. Elle ne s'attarde pas sur les personnages, ne les faisant jamais revenir.

Un rapport au temps très construit

Il y a le temps de l'acceptation pour les parents, qui s'oppose au temps chronologique de l'équipe médical. Le temps du sacré aussi, apporté par Thomas lorsqu'il chantera. Cette question du chant s'est longuement posée pour sacraliser la transplantation qui s'effectue logiquement "sans fleurs ni couronnes" (titre aussi de deux récits, Verticales, 2006). C'est une sorte de coup de force du roman qui, à l'instar d'une tragédie antique, s'effectue dans une unité de temps et de lieu de 24 heures.

Le temps du chant est le temps d'avant l'écriture, quand le roman n'existait pas. C'est un regard vers l'archaïsme, avant l'oralité. Ce fut une façon de mobiliser des matériaux qu'elle avait étudiés.

Le clampage aortique est un temps très violent, très technique aussi. Certaines personnes du monde médical reconnaissent ressentir alors la nécessité d'un rituel. C'est un moment où tout se suspends. Attendez ! Le cri résonne pour que quelque chose ait le temps de sédimenter.

Maylis de Kerangal a rencontré un coordinateur de prélèvements pour pouvoir écrire sur le sujet. Un jeune homme exceptionnel dans la compréhension qu'il a de son métier et qui l'a influencée, c'est certain, même si cette personne fut très discrète.

Enfin la reconstruction du corps pour le rendre à la famille dans un état satisfaisant est quelque chose de récent.

Je ne suis pas une obligée du réel

Mon métier n'est pas de reproduire le réel, insiste-t-elle. Cela rend possible les coup de force de la fiction qui a la faculté d'accélérer le temps. Sa transplantation est plausible, avérée, même si ce n'est pas le récit d'une réalité. L'état hémodynamique est un tour de force pour les anesthésistes. A trop attendre on peut perdre tout. Il faut certes parler, expliquer, déplier ... auprès de la famille, mais l'urgence est une autre contrainte.

Tout a commencé pour ce livre là en 2007 en découvrant un documentaire sur le sujet. Puis elle écrit, mais d'un point de vue purement médical, un petit texte pour le recueil que les éditions Verticales publiaient à l'occasion de leur dix ans autour du thème, "Qui est vivant?". En 2012 le sillage de deuils personnels mettant en scène des coeurs l'a poussée à y revenir. Elle s'est alors interrogée sur le coeur humain, qui a une double nature, organique et symbolique, puisqu'il signifie aussi l'amour. Le mot coeur peuple une multitude d'expressions.

Son expérience de la mort s'est métabolisée dans ce roman. Elle est allée voir une greffe à la Salpétrière, mais pas le moment du prélèvement, qui est extrêmement privé, et violent.

Elle confirme avoir fait l'objet de beaucoup de sollicitations depuis la sortie du livre. Malgré une intention non militante elle assume de raconter l'histoire d'un don, lequel ne peut exister que par la possibilité du refus. C'est très dialectique. La décision catalyse les croyances religieuses. Cette question est très fascinante. En fait il ne s'agit pas à proprement parler d'un don mais d'un geste totalement inouï, singulier, radical. On remet au collectif ce qui nous est le plus privé, et cela de manière gratuite, anonyme.

Maylis de Kerangal s'est aussi exprimée à propos de Tangente vers l'Est (Verticales, 2012). Elle en a souri, le personnage d'Hélène, c'est un peu elle. Quant au personnage d'Aliocha, il est inspiré des Frères Karamazov. Elle a eu besoin des deux pour n'être dans aucun et pourtant dans tous.

Sans être une vraie sportive elle a cotoyé suffisamment ce milieu, notamment en suivant depuis la plage les évolutions de ses frères surfeurs et de leurs copains. Elle n'a pas fait d'aviron mais ce sport la fascine. Tout se joue à la seconde près. Un micro temps de retard et l'espoir de gagner s'effondre. Elle n'a eu aucune difficulté à co-diriger Femmes et sport : regards sur les athlètes, les supportrices et les autres (Hélium, 2009), un livre de textes littéraires sur le sujet. En posant l'idée que d'être dans un corps dénudé assumant la performance pourrait avoir un lien avec le décrochage, en particulier avec le corps de la mère dans sa maison, entourée d'enfants.

Elle avait écrit un texte sur Nadia Comaneci quand elle avait une dizaine d'années. C'est une héroïne sur laquelle elle avait fait une fixation. Elle y voit maintenant le corps d'un régime politique. Son dernier ouvrage s'adresse aux jeunes de plus de 7 ans. Elle a écrit un texte sur des illustrations que lui a envoyé Tom Haugomat. Il s'agit de Hors-pistes, aux Editions Thierry Magnier.
On passerait des heures à l'écouter et à dialoguer avec elle tant ses propos résonnent mais elle a des obligations familiales ... évidemment. En tout cas cette rencontre témoigne de la luminosité de cette femme d'exception.

Une soirée en mode Alsace

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Si je vous dis Alsace vous penserez sans doute costume folklorique, poteries, nappe à carreaux rouges et blancs, cigognes, bretzels, choucroute et vin blanc.

Les plus informés évoqueront des images plus précises : une coiffe impressionnante,  un moule à kouglof de Soufflenheim, le quartier de la Petite France, l'atmosphère des Winstub, l'écomusée d'Ungersheim, une assiette de spätzele, des schnecks, des navets au sel et un Pinot gris.

Nous y voilà ... que savez-vous des vins d'Alsace ? Ils ne sont pas tous blancs, même si ce soir ce sont eux qui étaient en vedette. Huit vignerons avaient quitté leur terroir pour faire découvrir un de leurs crus dans une ambiance festive.

Ils ont investi les Docks – Cité de la Mode et du Design pour une soirée En Mode Alsace ! Et j'en reviens.
C'est face à la Seine et au son d’un DJ Set que j'ai re-découvert des vins que ma mémoire olfactive avait un peu oubliés, j'en conviens.
L'accueil a commencé, comme il se doit dans l'Est de la France, avec un crémant. Un AOC Crémant d'Alsace Chardonnay de la Cave de Beblenheim. Ce serait une offense que de vous en donner le prix (on est bien en dessous de 10 €). Je viens d'écrire un billet sur les Blancs de Noirs et je voudrais pas me contredire un peu. Disons que tout est question d'ambiance et qu'on peut vraiment se faire plaisir sans casser sa tirelire.
Les huîtres sont classiquement associées au Riesling (même si on peut choisir un Sylvaner frais, fruité et surtout très sec). La juste acidité de ce vin s'accorde avec les produits iodés, justifiant un buffet appelé "Face à la mer". Il était inattendu de le déguster en association avec des bouchées asiatiques. C'était très réussi.
 
Il reste qu'il y a tout de même de grandes tendances. Le Riesling demeure un vin que je qualifierai d'élégant : sec, propre, gracieux et équilibré. Sa finesse autorise de le servir aussi bien avec des crustacés qu'une volaille. Néanmoins il existe des nuances aromatiques très nettes. Par exemple celui du Domaine Dussourt, un AOC Alsace Riesling de Scherwiller 2011 est très différent de celui de la Maison Kuentz-Bas, un AOC Alsace Riesling 2012 "Trois Châteaux", question de terroir, d'ensoleillement, d'année ... et affaire de goût ensuite.
Chaque vin était proposé par deux maisons qui ont mis un point d'honneur à nous surprendre. Du coup je ne pourrais pas écrire (par exemple) qu'un Vendanges Tardives est plus aromatique qu'un Pinot Gris. C'est souvent vrai, mais ce n'est pas systématique. J'aime beaucoup les notes fumées typiques de ce cépage tout en rondeur et ses arômes de sous-bois. Celui du Domaine Schlumberger, un AOC Alsace Grand cru Kitterlé Pinot Gris 2010 est tout simplement magnifique. Mais l'AOC Alsace Pinot Gris Rosenberg 2011 du Domaine Barmès-Buecher n'a en rien démérité. L'un et l'autre ont été parfaits en association avec le foie gras, travaillé avec un chocolat noir.
Le Gewurztraminer est toujours très aromatique, Gewürz signifiant d'ailleurs épicé en Allemand. Il est fruité avec des arômes relevés de rose et de litchi, un bouquet très parfumé et fleuri qui a été mis en valeur avec un buffet aux saveurs ethniques pour nous faire voyager. L'AOC Alsace Gewurztraminer 2013 de Wolfberger a été particulièrement salué. Son caractère bio mérite d'être souligné.

Le second était un AOC Alsace Grand cru Bruderthal Gewurztraminer 2012 de Gérard Neumeyer.

Je ne dirai pas qu'un Vendanges Tardives n'est pas un vin exceptionnel. C'est toujours une valeur sûre pour celui qu'i n'a pas le loisir d'aller débusquer le cru et l'année qui fait la différence. L'AOC Alsace Grand Cru Zinnkoepflé Gewurztraminer  2012 de Jean-Marie Haag est plus que parfait, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas surchargé en sucres.
Ce soir les jeux d’accord furent originaux et surprenants, y compris sur les desserts. Avec ces canapés à la pomme verte ... le Vendanges Tardives fut une tentation diabolique.
Le tour d'horizon ne fut pas complet, ce n'était pas l'objectif. Il faut tout de même savoir que si on remonte quelques siècles en arrière c'est le vin rouge qui était dominant en Alsace avec le Pinot Noir qui occupe désormais moins de 10 % des vignobles. C'est un vin élégant, riche en arômes de cerises.

Il y aurait aussi le MuscatEt enfin l'Edel, ou si vous préférez, l'Edelzwicker qui est un vin d'assemblage de pluiseurs cépages. On le sert en pichet et non en bouteille par tradition dans les Winstubs, c'est le nom qu'on donne aux bistrots en Alsace. Et comme vous pouvez le deviner il n'y a pas un mais de multiples Edel.

Après ce voyage mes préférences sont multiples mais je laisse à chacun le soin d'élire les siennes.

Les producteurs réitéreront sans doute ce type de rencontre l'an prochain. Je ne manquerai alors pas de l'annoncer. Le prix demandé pour la soirée (15,00€) était réellement très raisonnable au regard de la qualité des vins proposés et des buffets les accompagnant.
Les Docks - Cité de la Mode et du Design
34 Quai d'Austerlitz, 75013 Paris
Métro : Gare d'Austerlitz (5 minutes à pied), Quai de la Gare (5 minutes à pied), Gare de Lyon- sortie rue de Bercy (10 minutes à pied).

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de ZVARDON.

Sophie a les boules, c'est écrit par Sylvie Bourgeois

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Sylvie Bourgeois l'affirme comme une évidence : J’écris parce que j’écris.

Elle a conçu le personnage de Sophie à son image.  Sylvie l'aime bien. Ses lecteurs aussi. Des hommes, justement, qui ont entre 20 et 70 ans. Ils sont aussi nombreux que les femmes à l’apprécier. Et pas des moindres, la féministe Antoinette Fouque l'adorait, Jean-François Kahn aussi, pour ne citer qu'un homme et une femme. L’éventail est large.

Sylvie va faire le bonheur de tout le monde puisqu’elle a décidé de relancer la série. Il va donc y avoir de nouveau "des" Sophie. Le pluriel est une évidence.

Ils étaient plus de 200 à fêter la sortie du dernier opus, Sophie a les boules. Un joli jeu de mots en cette période de fêtes, mais surtout une sorte de cri d’alarme.

Sylvie a conscience de s’inscrire dans un marché de niche, plus anglo-saxon que continental. Dans ses livres les choses sont dites, les dialogues sont justes, les femmes sont attachantes, ou plutôt "attachiantes"… comme dans la réalité dit Sylvie en souriant.

Qu’on soit homme ou femme, on s’y retrouve si on a envie de lire quelque chose de divertissant.

Vous aurez compris que Sylvie n’écrit pas pour ceux qui veulent vivre par procuration et qui espèrent un happy-end à la manière des romans à l’eau de rose du siècle dernier.

Je surfe sur la douleur. Je laisse apparaitre la faille, la rupture, mais sans m’appesantir. C’est dans ce compromis que la vie se situe.

Le message de Sophie est facile à décrypter : On peut s’en sortir si on est courageux. Parce que malgré les difficultés faut rester en vie. Du coup ses romans donnent la pêche. j'en ai plusieurs fois fait l'expérience.

Ses héroïnes (valables aussi pour le livre précédent, J’aime ton mari) offrent un modèle identificatoire positif. Elles montrent le chemin à toutes les personnes qui n’osent pas. D’ailleurs certaines trouvent la force de surmonter un souci et clament : hier j’ai fait ma Sophie ! Bientôt l’expression passera dans le langage courant.

Sylvie Bourgeois distille dans chacun de ses romans une certaine dose de parisianisme, des bribes d'analyse sociologiques (comme l'influence de facebook sur les relations humaines) et donne au passage les bonnes adresses du spot où réside momentanément son héroïne.

Sophie aura toujours quarante ans. Elle ne vieillira jamais. A chaque début de roman elle est fragilisée par une rupture amoureuse, soit subie, soit provoquée. Cette fois l'élément déclencheur est le désir de paternité de son compagnon. Sophie porte en elle une blessure qui ne cicatrisera jamais : le choc de la mort de sa mère suivi par le suicide de son père. Il y a de quoi développer la phobie de mettre au monde un être qui aurait le même destin.

Sylvie argumente en mots très justement choisis pourquoi Sophie redoute la maternité. Elle est loin d'opposer un refus égoïste et on constate à la lecture du roman qu'elle a beaucoup de complicité avec les enfants et qu'elle est capable de leur prodiguer une infinie tendresse.

Il n’y a jamais de suite. Chaque opus peut se lire indépendamment des autres. La seule répétition concerne son histoire familiale, et sa vie de la naissance à 25 ans, l’âge auquel elle a perdu ses parents. Et une phrase fétiche qu'elle envoie systématiquement par texto à un moment ou un autre. A vous de la dénicher !

Elle est fille unique, vit dans un milieu ni pauvre, ni riche. Elle a toujours travaillé en free-lance. C’est une femme libre, ni opportuniste, ni carriériste, qui met un point d'honneur à demeurer indépendante financièrement. Elle se situe dans l’humain. Ce qui lui importe c’est la relation qu’elle peut créer avec les gens dans l’instant. Elle s'exprime avec une franchise insensée, quitte à faire quelques dégâts collatéraux.

Sylvie a accepté de passer le test du questionnaire de Proust au nom de son héroïne :

Si Sophie était une couleur ? Elle hésiterait entre le bleu, pour la mer, et le rouge, pour la vie.
Si Sophie était une musique ? Arvo Part pour le coté contemporain et philharmonique.
Si Sophie était une ville ? La plus belle ville du monde, donc Paris.
Si Sophie était un animal ? Le lion, pour la crinière.
Si Sophie était un plat cuisiné ? Un soufflé au fromage.
Si Sophie était une qualité ? La bienveillance.
Si Sophie était un défaut ? L’impatience.
Quelles sont ses valeurs ? L'humour, la réflexion, la spiritualité.
Quelle serait sa devise ? Elle veut être humainement fréquentable.

Sylvie a répondu sans hésiter. On voit qu’elle est très proche du personnage qu’elle a créé. Elle a réussi à s'en faire une amie (page 123) en jouant son propre rôle dans le roman.

Elle répond à mes questions en tortillant une mèche de cheveux. Le geste me parait tout à coup signifiant. Je voudrais pouvoir poser mon carnet de notes et saisir mon appareil photo mais quelque chose me retient ... Je peste intérieurement une heure plus tard quand je découvre (page 13) que Sophie fait tourner ses cheveux entre ses doigts en téléphonant à son ami.

L’oxymore de la couverture est intentionnelle avec une balance entre un titre connotant l'énervement et un visuel signifiant la recherche d'une zen attitude salutaire. L'emploi de la couleur rouge est récurrent sur les couvertures des livres de Sylvie. Son graphiste a l’habitude des affiches de cinéma. Il avait déjà fait celle du précédent roman.

Sylvie a déjà l'esprit porté vers les nouvelles aventures de Sophie. Elles sortiront en avril. La jeune femme retourne sur les rivages méditerranéens. Après Cannes, en , Sophie va cette fois investir Saint-Tropez, encore une ville que Sophie connait très bien puisque ce fut le décor d'un film dont elle a co-signé le scénario, Les Randonneurs à Saint-Tropez, sous la réalisation de Philippe Harel, sorti en 2008.

Il y aura désormais le livre d’été et le livre d’hiver. Je la taquine en lui demandant si le suivant ne sera pas Sophie à N... Impossible, cette ville n’est pas assez "particulière". Les paris sont donc ouverts pour les prochaines destinations de Sophie.

Sophie a les boules, de Sylvie Bourgeois, chez Adora, décembre 2014

Fruits et légumes de Delphine Brunet chez Solar

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100 recettes gourmandes dans un livre foisonnant d'astuces pour employer les fruits et les légumes de la pointe de la racine au bout du bout de la feuille.

Delphine Brunet se souvient de son père chantant les paroles de Brassens : Tout est bon chez elle, y a rien à jeter ... Mais sait-elle que le poète l'a composée en hommage à  sa mère qui disait cela à propos des salades de son jardin ?

Delphine passe tout à la casserole : pulpe, chair, racines et trognons, tiges, cosses, fanes, épluchures ... rien ne part à la poubelle, exception faite des morceaux qui seraient dangereux comme les feuilles de rhubarbe. Elle en dresse la liste à la fin de son livre pour ne pas entraîner ses lecteurs à prendre des risques.

Desserts, sirops et confitures côté sucré, carpaccios, pickles, chips et pesto côté salé, on trouve des idées simples et originales pour sublimer ce que l'on ne daignait même pas considérer jusque là.

Ce livre est un hymne à la nature, une incitation à la gourmandise, et une occasion de faire des économies puisque dorénavant on ne jettera plus grand chose dans nos poubelles.

Le livre s'organise au rythme des saisons. Chaque fruit ou légume fait l'objet d'une photo légendée, orientant le lecteur vers les diverses utilisations possibles, de la plus classique à la plus originale.

On trouvera bien entendu des recettes qui n'ont rien de surprenant, ce en quoi l'auteur ne démérite pas. Mais il y a aussi des recettes étonnantes, comme celle des pelures de kiwi confites (page 32) ou la soupe de cosses de fèves (page 108). Les photos sont rustiques, dans un décor très simple qui excite l'appétit.

Ce qui est certain c'est qu'un livre comme celui-là risque de bouleverser vos réflexes alimentaires. Je dis "vos" parce que pour ce qui me concerne je suis depuis longtemps une adepte du 100%. J'ai développé une série de recettes sous la rubrique de la "cuisine de la récupération" et j'ai même animé des ateliers sur ce thème au dernier Salon de l'agriculture. L'idée n'est pas neuve mais elle a encore beaucoup de chemin à faire.

Un ouvrage comme celui-ci est précieux pour changer les mentalités.

Fruits et légumes de Delphine Brunet chez Solar, parution 6 novembre 2014

Le service de pédiatrie générale de l'Hôpital Necker – enfants malades fait peau neuve

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Entre le mois d'avril et celui de novembre 2014, treize illustrateurs de l'Ecole des loisirs se sont succédés bénévolement (cela mérite d'être tout de même souligné) pour transformer les murs du Service de pédiatrie générale de l’Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, à Paris.

C'est Nathalie Brisac, responsable de la communication de la maison d'édition, qui a été la cheville ouvrière de ce beau projet. Elle a transmis le souhait d’embellir les couloirs du service de pédiatrie aux illustrateurs, qui se sont portés immédiatement volontaires.

Le pari était osé. Les couloirs sont infinis, il était facile de s'y perdre. On m'a raconté (parce que je n'ai depuis quelque temps, et fort heureusement d'ailleurs,  aucun motif médical qui me pousserait à aller dans cet hôpital) que lorsque les artistes ont découvert les lieux, ils ont été impressionnés par le labyrinthe de couloirs. Ils ont souhaité aider les patients et leurs parents à mieux s’orienter.

Je connais la plupart de ces illustrateurs, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de leurs ouvrages. Ce sont Stephanie Blake, Isabelle Bonameau, Pascale Bougeault, Dorothée de Monfreid, Malika Doray, Bénédicte Guettier, Kimiko, Alan Mets, Lucie Phan, Claude Ponti, Audrey Poussier, Anaïs Vaugelade et Myrha Verbizh.

Pour assurer une continuité et une cohérence dans l'espace, ils ont imaginé un épais ruban bleu, courant sur les murs et reliant les dessins les uns aux autres. Tel le fil d'Ariane, ce chemin guide les enfants, laissant apparaître ici ou là un éléphant sous la douche ou un lapin amoureux.

Au vu du résultat on peut imaginer qu'il ne va plus y avoir de problème de repérage pour les grands comme pour les petits. Point n'est besoin de savoir lire ou comprendre le français pour apprécier.

Une petite vidéo a été réalisée pour l'occasion et qui sera en quelque sorte une visite guidée de cette performance qui a été menée sans suspendre l'activité du service. Vous pourrez aller la visionner en suivant le lien.

les chariots de soins font bon ménage avec ceux des artistes peintres. Vous comprendrez mieux pourquoi Stéphanie Blake estime qu'elle est venue dans cet l'hôpital "pour de bonnes raisons", mettre un peu de gaieté et faire sourire des enfants en les allégeant du poids de leurs frayeurs.

Je vous invite à cette sorte de visite guidée où vous repérerez ... par exemple Simon, le lapin, super-héros du quotidien, farceur et espiègle, de Stephanie Blake, et les personnages loufoques et un peu gringalets d'Alan Mets. Kimiko abrite une grenouille sous un parapluie. Cette ancienne styliste franco-japonaise déploie un univers aux couleurs chatoyantes. Malika Doray aussi a placé une grenouille. On retrouvera aussi Carbu, le chat de Myrha Verbizh, dont la soeur Alyssa, a écrit les textes de leurs deux premiers albums, Trucmuche à poils et Biglouche. Les souris d'Audrey Poussier. Un des cochons de la famille Quichon, élevé par Anaïs Vaugelade. Un dinosaure de Dorothée de Monfreid.

D'autres personnages sont plus insolites, sous le pinceau de Lucie Phan, un âne de Bénédicte Guettier et il y aura peut-être aussi Mam’zelle, la pie délicate de Pascale Bougeault qui a croqué des souris. Je dois dire que je n'ai pas vu la fresque achevée. Ce qui est certain c'est que la bande de poussins farceurs de Claude Ponti aura investi plusieurs pans de mur. Isabelle Bonameau, a choisi elle aussi des poussins même si ce ne sont pas les mêmes.

Le travail a été immense. Il n'empêche qu'on souhaite que d'autres services hospitaliers reprendront cette idée.
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